dimanche , 9 mars 2025

Interview avec Charlotte Gainsbourg : « J’ai beaucoup moins d’inquiétudes »

Délicate, timide, sincère, spontanée … les qualificatifs ne manquent pas quand on évoque Charlotte Gainsbourg. De passage à Toulouse, elle nous dévoile son aspiration artistique sans langue de bois. Juste elle et des mots.

A l'occasion de la sortie de son album live « Stage Whisper », nous avons rencontré Charlotte Gainsbourg, lors de son passage dans la ville rose en mai dernier. Dans cet entretien, où elle se livre sans fard, la chanteuse nous parle de son expérience de la scène, de sa rencontre avec Connan Mockasin, avec qui elle a partagé l'affiche de cette tournée et de sa façon de faire de la musique, avec beaucoup d'humilité.

Bientôt à l'affiche du prochain film de Lars Von Trier, qui devrait sortir l'année prochaine, Charlotte nous confie aussi les premiers détails du tournage tout en évoquant ses projets, notamment au côté de son compagnon, Yvan Attal.

Comment te sens-tu quelques heures avant de monter sur scène ?
Bien. Même si je compte encore sur les doigts de la main les concerts qu'on a faits. Celui de ce soir à Toulouse, c'est le 5e depuis le début de la tournée. Mais il n'y a pas de routine et j'espère qu'il n'y en aura jamais. C'est toujours très différent d'un soir à l'autre.

C'est la première fois à Toulouse ?
Oui. Pour ma première tournée, je n'avais pas fait beaucoup de dates en France donc pour celle-ci, on a choisi de faire des salles que je ne connaissais pas, plus intimistes aussi.

Te sens-tu plus sereine pour cette tournée ?
J'ai moins d'appréhensions qu'à mes débuts, bien que ça ne fasse pas vraiment partie de ma personnalité de jouer devant un public. J'ai toujours eu une trouille énorme même de faire des émissions de télé … Dès qu'il s'agit d'une manifestation publique, ça reste une source d'angoisse. Mais à présent, je commence à savoir ce que c'est de s'amuser, de prendre plus de plaisir. Même si je ne me lâcherai jamais complètement (rires). Contrairement à mes débuts sur scène, j'ai beaucoup moins d'inquiétudes. Je m'en fous un peu plus de faire mal les choses. Il y a moins de jugement de ma part.

Comment est née l'idée d'une tournée commune avec Connan Mockasin ?
J'ai rencontré Connan pour le titre « Out of Touch » présent sur le dernier album. On a travaillé deux jours ensemble en studio, puis il est parti sur sa tournée et je ne l'ai pas revu avant septembre dernier. C'est à ce moment-là que je suis allée le voir en concert et que j'ai rencontré son groupe. Ils étaient tous très sympathiques et je leur ai demandé s'ils voulaient bien m'aider à faire la promo du live qui allait sortir. Et ils ont accepté de revenir à Paris pour faire des répétitions, pour voir ce que ça donnerait s'ils interprétaient certains de mes morceaux. Et quand on s'est retrouvé, j'avais énormément de plaisir à être avec eux, ça devenait très simple. Et j'avais envie que ça continue, même après la fin de la promo. Je leur ai donc demandé s'ils voulaient partir en tournée avec moi et ils ont accepté. C'était très spontané.

Comment as-tu choisi les artistes avec qui tu as travaillé pour cet album live ?
Ce sont des artistes avec une personnalité forte mais qui sont à la fois simples et qui ont un univers bien particulier, dans lequel j'ai envie d'entrer. C'est ce qui m'attire au départ, mais en même temps, ils ne sont pas du tout hermétiques. Ils font aussi le chemin vers moi donc c'est une vraie rencontre, une collaboration à chaque fois. Après ce n'est pas un hasard total, car Emmanuel De Buretel, qui est le chef de ma maison de disques (ndlr : Because Music), me glisse des cds comme ça. Il y a donc déjà une grande réflexion de sa part. Après moi, j'accroche ou j'accroche pas. Avec Connan j'ai accroché tout de suite, avec l'album des Villagers aussi. Et après, chacun m'a envoyé des morceaux que j'ai adorés. La musique et les textes étaient déjà faits aussi, il ne manquait plus qu'à placer la voix.

Tes anciennes collaborations avec Beck ou Air étaient-elles différentes ?
Oui, car pour les deux, on s'est rencontré longtemps avant, on a beaucoup discuté avant de commencer à travailler ensemble. Et avec eux, j'aurai été très gênée que l'album se fasse sans moi, sans que j'intervienne, alors que pour cet album c'est différent. Chaque morceau est l'inspiration d'un musicien. J'étais donc contente de voir ce que ça pouvait donner sans trop m'impliquer en amont.

Tu avais donc une autre envie pour cet album ?
Oui, car avec Air, j'avais vraiment envie de leur son, que j'avais toujours admiré chez eux. L'idée c'était d'être très proche de leur musique. Alors qu'avec Beck, je pense que ça ne l'intéressait pas de faire du « Beck », car il avait envie d'explorer d'autres choses. Il fait plus de « bidouillages » et c'est ce qu'il a fait avec moi aussi. Ça l'amusait que j'arrive avec des sons comme ceux de l'IRM, ça lui correspond beaucoup mais ce n'est pas forcément son son à lui.

Sur « Stage Whisper », tu sembles aussi plus affirmée dans la manière de chanter.
Oui, car j'avais des envies qui se précisaient. D'ailleurs après la dernière tournée, je suis retournée voir Beck pour lui dire, « Tu avais raison », car lui m'avait dit qu'il allait me falloir des morceaux plus « up tempo », pour le live. Et suite à cela, il m'a écrit « Terrible Angels » sur lequel j'avais la possibilité de parler et chanter un peu plus. Les autres morceaux de l'album, ce sont des morceaux qu'on avait déjà entamé avec Beck, mais qui n'étaient pas finis. Et puis j'avais aussi moins d'inhibition, moins d'angoisse à l'idée de me mettre devant un micro. Je jouais le jeu tout de suite, c'était plus facile.

Grâce à l'expérience …
Oui, sûrement. Avant, il fallait qu'on me prenne par la main, qu'on utilise même des ruses (rires). Il fallait que je passe par plein d'étapes qui me semblaient nécessaires avant de vraiment me lancer. Maintenant, j'ai besoin de moins d'étapes et je ressens plus d'excitation aussi à me jeter à l'eau. Mais ce n'était pas une chose facile quand, dès le départ, on n'a pas vraiment confiance en soi, mais je parviens progressivement à lâcher prise.

Ce « lâcher prise », on le retrouve aussi dans ta carrière au cinéma.
Oui c'est vrai et Lars Von Trier m'a beaucoup aidée là-dessus, en me poussant dans mes retranchements. Même si ce n'était pas toujours très agréable, c'était super d'avoir quelqu'un qui prenait le temps de me déstabiliser. J'ai perdu tellement de temps à être inhibée et à avoir peur de ce que ça allait donner, à me dire que j'étais pas capable etc., au bout d'un moment c'est fatiguant (rires).

Tu vas tourner un 3e film avec Lars Von Trier justement (ndlr : « Nymphomaniac »), qu'est-ce qui te plait chez lui ?
J'aime beaucoup ce qu'il fait, son travail. Je suis aussi très reconnaissante et très flattée à l'idée qu'il ne se soit pas lassé de moi au bout de deux films. Même si ce n'est pas toujours facile car il me demande beaucoup, mais à chaque fois c'est excitant. Ceci dit, ce nouveau projet fait peur car c'est très extrême encore une fois. Ça explore la sexualité d'une femme, avec des scènes très explicites et des acteurs pornos.

Une version plus « soft » est-elle prévue ?
Si j'ai bien compris, il ne devrait pas y avoir deux montages. Au départ effectivement, il devait y avoir une version « hard » et une autre « soft », mais au final il peut garder sa version hard en floutant certaines scènes. Après il m'a demandé, « Qu'est-ce qui te gêne le plus, qu'on puisse voir que c'est toi à l'écran ou de te déshabiller devant l'équipe ? ». Je lui ai dit que ce qui me gênait le plus c'était de me déshabiller un peu trop devant l'équipe. Si tu fais croire que c'est moi, je m'en fous (rires). Après j'ai déjà fait « Antichrist » qui était déjà bien costaud à ce niveau-là donc maintenant, j'aborde les choses de façon plus détendue (rires).

Tu seras aussi bientôt à l'affiche du prochain film d'Yvan Attal, dont la sortie est prévue cet automne. Après « Ma femme est une actrice » et « Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants », vous aviez envie de vous retrouver à l'écran ?
J'adore travailler avec lui, mais c'est toujours très délicat même si on se connait plus que bien. Car il sait que je suis très en demande et c'est gênant d'être autant en demande. C'est paradoxal, car je n'ai pas envie qu'il se sente « obligé » de me proposer un film mais je vais être jalouse s'il le propose à quelqu'un d'autre (rires). Mais ça c'est le lot des actrices qui sont avec des metteurs en scène. Je ne connaissais pas ça avant « Ma femmes est une actrice », maintenant c'est différent (rires).

Dans quel « rôle » te sens-tu le plus à l'aise aujourd'hui : celui d'actrice ou de chanteuse ?
C'est vraiment différent. Ça n'a vraiment rien à voir et même entre un plateau de cinéma et un studio d'enregistrement, là aussi c'est différent. Peut-être qu'on pourrait trouver un point commun entre le théâtre et la scène, car il y a quelque chose de très immédiat. On peut voir le public, ce qui n'est pas le cas au cinéma. Ce qui fait peur sur scène, c'est qu'on a que soi à offrir, même s'il y a la musique. C'est pour ça que j'étais contente de partager la scène avec Connan.

Ton frère Lulu a sorti dernièrement un album aussi, est-ce que vous avez déjà pensé à vous réunir sur un projet ?
Il est assez mystérieux sur sa musique et puis comme il vit aux Etats-Unis, je ne sais pas trop quel sera son prochain projet. Ce n'était pas non plus évident pour lui aussi de revenir en France et d'assurer la promo. Et je le respecte trop pour oser lui faire un appel de pieds (rires). On est tous les deux timides avec nos projets professionnels.

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