jeudi , 3 avril 2025

Interview – Anne Paceo : « Le partage est au cœur de ma musique » 

Anne Paceo sera sur la scène de la Salle Nougaro le 22 avril. Rencontre avec une artiste unique à l’occasion de la sortie de son nouvel album en mars dernier « S.H.A.M.A.N.E.S ».

À la tête de nombreuses formations jazz, la batteuse et artiste prolifique Anne Paceo revient sur scène avec son nouveau projet S.H.A.M.A.N.E.S. Nomade du tempo, Anne puise son inspiration aussi bien dans les pratiques vocales chamanique que dans les danses spirituelles des derviches tourneurs soufis, une danse giratoire, tissant un lien profond et musical avec le cosmos.

Avant son passage attendu à la Salle Nougaro de Toulouse, Anne Paceo nous accorde un entretien autour de son album, du live mais aussi de la création.

Entre la sortie d’un nouvel album et la tournée, dans quel état d’esprit vous sentez-vous actuellement?

Super bien ! J’ai des supers bons retours et je suis très contente.  Sortir un album, c’est hyper puissant.  Derrière, c’est 3 ans de travail qui voient le jour et sont donnés au public. L’émotion est grande avec ce petit quelque chose d’effrayant car on ne sait pas comment cela va être reçu par le public. Là, il est superbement accueilli donc c’est une grande, grande joie !

Et comment est accueilli ce joli projet sur scène par le public ?

Dans ces premières dates, les gens sont super contents. Moi je signe toujours mes disques à la fin des concerts, et les gens viennent me voir avec des étoiles dans les yeux en me disant par exemple : « je n’étais pas bien avant d’arriver au concert, avant que le concert ne commence, et là je plane » …on ne peut que profiter de tels retours.

Est-ce qu’on ne fait pas de la musique pour ce genre de commentaires aussi ?

Totalement ! Pour moi, la musique est là aussi pour faire du bien. Évidemment, si ça peut apporter de la joie aux gens, c’est merveilleux. C’est pour ça que j’aime faire de la musique et surtout que j’aime être sur scène. Le partage est au cœur de ma musique. Je trouve que c’est le plus important.

Scène et studio sont deux arts distincts et à la fois entremêlés. Est-ce que lorsque l’on compose , on pense à la scène ou est-ce que ça vient dans un deuxième temps ?

Non, la scène c’est dans un second temps. L’album est vraiment une création à part entière.  On y imagine les formes, parfois, on raccourcit des choses, parce qu’il y a des morceaux ou certaines parties qui vont très bien passer en concert mais qui, sur un disque, peuvent paraître comme des longueurs. Sur un album, on n’a pas l’aspect visuel aussi. Donc l’album et la scène sont vraiment deux parties très différentes, ça ne s’envisage pas pareil. Sur le live, il y a des surprises à chaque fois, des parties qui se transforment, des nouvelles propositions, donc oui pour moi il y a vraiment deux travaux. Mais j’aime beaucoup le travail de l’album, réfléchir à l’architecture du disque, aux formes, comment ça va se passer, comment mettre en lumière chaque musicien de manière équivalente. C’est un travail que j’aime beaucoup.

Le projet de cet album a pris trois ans de travail. C’est le temps suffisant pour sortir ce que vous aviez en tête ?

Oui. Il y a eu l’écriture, les premières répétitions, l’enregistrement. Ça a été énormément de boulot. On ne se rend pas compte, lorsqu’on écoute un disque, de tout ce qu’il y a derrière en terme d’heures passées, de travail, de réflexion, de remise en question, enfin c’est un boulot de dingue. J’aime bien faire des disques où il y a plusieurs niveaux d’écoute, j’aime bien l’idée que l’auditeur va redécouvrir des choses différentes à chaque fois.  C’est un long travail ! C’est un album qui joue beaucoup avec l’état dans lequel on est. Chaque morceau va sonner différemment en fonction du moment, de l’état d’esprit et ça j’aime bien. Ce sont des disques à tiroirs, il y a plein de niveaux de lecture.

Comment naissent les morceaux ? Ils sont en lien avec vos émotions puis transcrits ?

En fait, tous les morceaux partent d’une émotion très forte. Ensuite, je pense que les mélodies doivent être là, elles doivent sortir. Quand je travaille avec le groupe, je les amène, je leur raconte mon histoire, je leur explique ce que je ressentais quand j’ai écrit ça, ce que je vivais à ce moment-là pour qu’après ils essayent de convoquer aussi des émotions qui leur parlent. Qu’ils convoquent des choses qu’ils connaissent pour raconter mes histoires.

On va parler de cet album un peu plus en détail. Comment est née l’idée de cet album ?

Au départ, c’était une demande. Le festival « Jazz sous les Pommiers » , où j’étais artiste associée,  m’a demandé́ quelle serait ma nouvelle création pour 2020. En 2019, j’ai perdu mon grand-père. Je l’ai accompagné dans son départ vers l’au-delà en lui chantant des chansons au creux de l’oreille. Ensuite, quand il est décédé, je me suis demandé où était passé son âme. Parce que son corps était encore là mais son âme n’était plus présente. J’ai toujours été très sensible au chamanisme, j’ai toujours beaucoup lu sur cette question-là, c’est quelque chose qui me touche et me parle depuis longtemps . Le mélange de ces deux expériences a créé́ le premier morceau du disque qui est « Here and everywhere ». Le ou la chamane est un personnage qui est capable de communiquer avec d’autres mondes et parfois avec l’au-delà.  Je trouvais intéressant de se questionner sur la vie, la mort, l’au-delà. Ce qu’on voit, ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ressent mais qu’on ne peut pas expliquer. C’est un assez long cheminement.

Et pourquoi ce nom « S.H.A.M.A.N.E.S » avec un s ?

L’orthographe du mot chamane varie beaucoup en fonction des pays. Mettre des points entre chaque lettre était une manière de le rendre un peu plus international et que ça puisse être compris par des gens du monde entier.

L’album est une quête où vous puisez dans  toutes les cultures.

J’ai écouté plein de choses. Des musiques de Mongolie, d’Amérique du sud, de certains pays d’Afrique de l’ouest, mais aussi des musiques sacrées, vocales par des compositeurs de musique classique, de la pop, du rock. J’ai écouté́ énormément de musique. Je ne cherche jamais à reproduire, je laisse infuser les choses et puis après j’ai la musique qui vient, mais c’est vrai que mes sources d’inspiration sur ce disque sont très variées.

Quelques mots sur l’idée de réaliser vos clips en animation.

Dans ce disque, je trouve qu’il a quelque chose de très féérique. J’ai eu envie qu’on crée un autre monde, une autre vision du monde et je ne me voyais pas du tout mettre de vrais êtres humains en chair et en os dessus. Pour moi, il fallait que ça reste dans la féérie. L’animation pour ça est merveilleuse. On peut imaginer plein de choses et ça peut être un peu magique. Cette femme qui se transforme au fur et à mesure en oiseau sur le premier clip, ça aurait été compliqué à réaliser en vrai et j’aime bien l’idée d’avoir un objet sonore et visuel qui soit vraiment la proposition d’un autre monde.

Dans cet album, la voix prend la place d’un instrument comme dans la culture chamanique. C’est le but recherché ?

Oui, on a toujours associé la voix avec des textes, des paroles, dans l’imaginaire commun mais en fait c’est une texture comme une autre. Chaque chanteur, chaque chanteuse a son timbre de voix qui va amener une couleur particulière à la musique, donc c’est vrai que j’aime bien me dire que le chanteur ou la chanteuse peut aussi devenir instrument. Quand je compose, les mélodies partent de mélodies que je chante. Donc j’avais envie encore une fois de pousser ce truc là des voix et multiplier les possibilités entre les 3 voix entre celles de Marion et d’Isabelle. Proposer plein d’univers sonores différents où la voix peut être à un moment une voix avec des paroles, qui chante une chanson et par moment la voix qui va faire des textures ou doubler la mélodie du saxophone.

La suite après ce projet, quelle est-elle ?

Là pour l’instant je suis vraiment très occupée avec la sortie du disque, mais je sens qu’il y a des choses qui sont en train de mûrir en moi pour la suite. Je suis sur pas mal de fronts en même temps. Plus récemment, je suis artiste associée pour faire une création de ciné-concerts, il va y avoir un concert dessiné avec le dessinateur de bd Cyril Pedrosa. J’ai aussi des idées pour des prochains albums…. Il va falloir trouver le temps de faire de la musique dans tout ça, parce que c’est vrai que je suis quand même bien occupée !

D’ailleurs, arrivez-vous à écrire en tournée ?

Moi je n’y arrive pas. J’ai besoin d’être posée, d’avoir du temps, pouvoir laisser mon cerveau tranquille c’est-à-dire le laisser aller où il veut et c’est seulement là que les mélodies naissent. Après, quand je jouais beaucoup à l’étranger, oui là il y a des mélodies qui naissent pendant la tournée parce qu’on est dans un autre pays, il se passe des choses. Disons que le voyage développe la créativité mais c’est vrai que quand je suis en tournée en France dans le TGV, il n’y a pas vraiment de créativité.

 Vendredi, c’est un concert en terres toulousaines. Quel rapport avez-vous avec la ville rose ?

Je suis déjà venue à la salle Nougaro de Toulouse, où j’avais eu la chance de partager la scène avec Billy Cobham, un batteur historique, et j’avais joué au festival « Jazz sur son 31 … je suis bien ravie de revenir.

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