
Le chanteur Barcella présentera son nouvel album « Mariposa » à la Salle Nougaro. Rencontre.
Il y a douze ans, Barcella s’invitait pour de bon dans la cour des plus dignes représentants de la chanson française avec son premier album, « La Boîte à Musiques ». Depuis, c’est libre et à grands renforts d’audace, de modernité, de finesse et d’humour que cet amoureux des mots n’a cessé de modeler les formes de son art. Toujours prompt à dépoussiérer la chanson française en la nourrissant de slam et de poésie, Barcella compte aujourd’hui près de 1000 concerts, et un parcours jonché de succès et de récompenses.
Ce mardi 30 janvier, Barcella présentera son dernier album « Mariposa », rencontre avec un auteur-compositeur en mutation constante.
La tournée a repris après une petite pause. Comment te sens tu pour ce retour sur scène ?
La petite pause de janvier a fait du bien parce que la tournée avait quand même démarré depuis la sortie d’album. J’ai hâte de retrouver la route et la scène avec les copains. On va passer par Millau, par Pornichet, et bien évidemment un passage attendu à Toulouse, puisqu’on n’est pas venu depuis quelques temps et que c’est une ville pour laquelle on a une tendresse particulière.
Quel rapport entretiens-tu avec Toulouse…
C’est vrai que c’est l’une des villes qui est loin de chez nous, mais dans laquelle on a quand même fait beaucoup de concerts. Moi j’ai commencé il y a 10 ans avec plein de passages dans un petit lieu qui s’appelle le Bijou. C’était au début. Après on est passé dans une salle que j’adorais, mais qui n’existe plus, La Dynamo. C’était super. On est passé évidemment au Bikini puis la salle Nougaro et c’est la deuxième fois qu’on aura le plaisir d’y retourner. On a une tendresse pour ce public-là, parce que c’est un public généreux et à l’écoute. Il y a une culture pop des chansons à Toulouse qui est sans doute liée aux chanteurs qui viennent de chez vous quoi.
Avec plus de 1000 dates, quel est ton rapport avec la scène ?
C’est un rapport de tendresse. Enfin, je vais arrêter avec la tendresse (rires). Je ne fais des albums que pour faire des tournées. C’est-à-dire que je suis vraiment né sur les planches, c’est quelque chose qui m’émeut, qui me motive, qui me transcende. Beaucoup plus que le travail en studio par exemple. J’aime ces instants suspendus avec un public qui nous est fidèle, et je ne fais des chansons que pour ça, que pour rencontrer des gens dans la vraie vie. C’est sans doute une manière pour moi de compenser une solitude nécessaire, parce que quand on écrit des chansons, il faut accepter la solitude, elle est la clé de l’inspiration .
La scène passera toujours avant le studio…
Oui après l’un et l’autre se nourrissent, je ne dis pas que je n’aime pas faire des albums, j’adore ça, mais vraiment ce qui me motive quand je fais un disque c’est la tournée qu’il y aura derrière.
Comment se passe le processus créatif d’un album ?
D’abord il faut vivre. Il faut accepter la vie telle qu’elle se présente. Il faut se laisser traverser par les émotions et les sentiments que la vie nous propose et puis un jour, arrivée un petit peu à maturation on va dire, la chanson se propose. Moi, dans ma mécanique c’est souvent ma guitare qui vient souffler quelques mélodies à l’oreille. À partir de là, je trouve les mots. Ecrire une chanson, ça prend pas forcément beaucoup de temps, mais lui donner naissance, c’est un processus de maturation . Je peux écrire une chanson souvent quelques mois ou une année après avoir vécu les émotions qui vont l’inviter à naître. En ce moment, je suis tout seul en montagne depuis trois semaines. J’y reste encore une grosse semaine, et c’est le temps de la solitude qui fait que l’inspiration se présente.
A quel moment on se dit : « là je tiens ma chanson » ?
C’est vraiment quand elle fait sens ! C’est-à-dire que si vraiment sur chaque couplet et chaque refrain, je sens que j’ai un petit frisson. C’est physique. C’est quelque chose de physique une bonne chanson. Tu la sens te traverser, tu la sens te faire vibrer. Et je pense qu’une bonne chanson s’achève aussi quand elle est facile à chanter pour les gens qui nous suivent. C’est le secret des grandes chansons que j’aime beaucoup. Je pense que « le sud » par exemple de Nino Ferrer est une chanson qui n’est pas forcément très compliquée dans son apparence. « C’est un endroit qui ressemble à la Louisiane, à l’Italie », ce ne sont pas forcément des mots savants et pour autant c’est une chanson absolument fantastique de simplicité, et c’est là qu’il y a quelque chose je trouve de très artistique, qui est proche de l’art en fait. Il faut y mettre une belle intention, beaucoup de tendresse, et quand les mots font sens pour toi, ils font sens pour les autres.
Tu as sorti le très beau album « Mariposa », comment décrirais-tu l’atmosphère de cet album ?
C’est un album peut-être un peu plus intime dans les sujets qu’il traverse, et en même temps, j’ai cherché les sonorités ancrées dans l’époque, plus modernes. Si tu veux, j’essaye toujours de faire ça. De faire un album qui soit dans l’air du temps. C’est souvent parti du piano sur ces morceaux-là et dans l’esthétique, j’ai voulu une esthétique et des sonorités modernes avec des textes ancrés dans l’époque. Tout se passe quand même vachement autour des mots parce que moi, mon envie première c’est de raconter des histoires, et après peut-être que j’ai davantage trouvé une voix que je ne me connaissais pas dans cet album-là. Une voix peut-être un peu plus basse, plus proche du micro. Ce n’était pas forcément ma manière d’appréhender les chansons précédentes, mais là j’ai eu envie de me rapprocher du micro pour susurrer un peu à l’oreille des auditrices et des auditeurs les chansons de manière un peu différente. Sur « les jours de pluie » ou « tes larmes », j’ai une voix un peu plus basse et je suis assez content de cette découverte. Tu vois, au bout de 13 ans de chansons, on peut toujours se redécouvrir !
Quel a été ce déclencheur pour ce travail de voix ?
Alors pour le coup comme je te le disais, puisque mes albums sont des carnets de route, celui-ci sort en 2023. Il a été précédé par 2020, 2021, et 2022 donc pas mal de chansons sont nées pendant la crise qu’on a tous traversé, et puis je les ai affinés, le temps de les mettre en forme, d’aller chercher les arrangements… c’est un album qui vient raconter un peu ce qui s’est passé dans mon cœur d’homme sur ces dernières années. Il y a forcément peut-être un peu plus de chansons soit nostalgiques soit un peu plus déchirantes. En même temps, il y a beaucoup d’espoir dans ces chansons-là. C’est toujours s’efforcer de chercher le soleil au-dessus des nuages.
Les chansons fonctionnent comme une sorte de remède pour les bleus de l’âme ?
Je crois oui. Les chansons, moi, me guérissent de beaucoup de choses. Il y a quelque chose de médicinal dans les écritures, de thérapeutique et de salvateur. C’est sûr que quand tu écris sur ta colère, sur ta tristesse, sur ta peine, sur ta solitude, tu prends déjà de la distance par rapport à la feuille et tu te sens déjà moins seul. C’est marrant, t’as beau écrire une chanson tout seul dans ta chambre avec ta guitare, et bien tu n’es pas si seul que ça, ta guitare c’est ton amie. Tu es relié à quelque chose qui te donne l’inspiration, il y a un processus que je trouve toujours fantastique et une espèce de magie dans l’écriture des chansons, que je n’arrive pas forcément à expliquer mais que je trouve très poétique et qui fait du bien nos existences.
On parlait d’écriture justement, il y a eu un premier roman. Est-ce que ce roman a amené quelque chose dans l’écriture de cet album ?
Oui, déjà sur l’écriture d’un roman c’est un format long sur lequel tu peux prendre l’espace de travailler. T’as un espace très important sur un roman et donc du coup tu peux prendre le temps de l’écriture. Tu peux analyser les sentiments qui te traversent, et les émotions qui sont en toi avec plus de longueur, alors que la chanson te formate un tout petit peu, puisqu’une chanson ça a une durée, ça va durer quatre minutes à peu près si tu veux donc il faut synthétiser à l’intérieur d’une chanson alors que sur un roman tu as plus d’espace. Et en travaillant davantage dans l’espace du roman, j’ai trouvé quelques formulations qui sont revenus dans mon disque. Quand je parle sur les jours de pluie, « Nous formeront ces fleurs futures qui poussent et cicatrisent des murs ». Ça je l’avais chopé à l’intérieur de mon roman. L’écriture d’un roman a beaucoup aidé la fluidité dans l’écriture des chansons.
Et travailler avec d’autres artistes, au niveau des textes, ça change quelque chose ?
Moi j’adore l’idée d’écrire pour d’autres, notamment pour des présences féminines parce que ça me fait travailler différemment. Et puis y’a quelque chose d’empathique quand on écrit des chansons pour d’autres. Moi j’ai écrit pour beaucoup de personnes . Je pense par exemple à Gaël Faure pour qui j’ai écrit quelques textes. J’écris aussi dans la variété et j’adore ça, comme pour les Fréro Delavega, pour Claudio Capéo, pour Zaz . C’est des expériences intéressantes parce qu’on part de l’envie d’un artiste et on essaie de mettre des mots pour l’autre. Et je trouve que la dynamique est super intéressante, écrire sur des choses que je n’ai pas forcément vécues moi-même. C’est des artistes qui parlent à énormément de personnes. Par exemple quand je vois « le chant des sirènes » qui tourne encore aujourd’hui dont j’avais écrit le texte pour les Fréro Delavega, et quand je vois que ça a été chanté dans des stades et des grands zéniths, ou quand j’entends Claudio Capéo chanter « les petites gens » ou Zaz chanter « tout là-haut », ça m’émeut beaucoup parce que ces chansons n’auraient pas eu la même vitrine si c’est moi qui les avais chantées. Elles vont plus loin avec ces interprètes-là donc c’est doublement réconfortant.
Quelle est la suite maintenant : la scène et l’écriture ?
On écrit toujours. Mes albums sont mes carnets de route. C’est assez sincère en fait dans ma démarche. J’écris par rapport à ce qui me traverse, aux rencontres que je fais et aux voyages que j’ai la chance de faire. Donc pour l’instant on va profiter de cette tournée-là, et elle va m’aider à écrire l’album suivant qui je l’espère sortira fin 2025 début 2026. Puisqu’on est en tournée jusqu’en 2025. J’ai déjà quelques chansons là qui sont posées sur la feuille. Maintenant il faut les orchestrer, il faut les réfléchir, il faut repartir en studio, mais bon le dernier album est sorti il n’y a même pas un an donc on est tellement dans la tournée que c’est pas vraiment le moment du studio là.
D’ailleurs, est-ce que tu testes des chansons sur scène ?
Oui, tout à fait. Ça m’arrive complètement en plein milieu d’une tournée de tester une chanson qui a trois jours. Parce que je trouve que c’est super intéressant, et puis tu as envie de ça. Tu viens de faire naître quelque chose, tu es complètement dans ton émotion, et t’as besoin de la confronter. On va dire la seule limite de ce métier là, c’est souvent quand une chanson sort, toi tu as déjà eu le temps de la digérer un peu. Quand elle arrive dans la vie des gens, toi c’est une émotion que tu as vécue il y a deux ou trois ans. Et j’adore profiter de la tournée pour tester des chansons à l’instant.
Barcella en concert
30 janvier 2024
Salle Nougaro
Toulouse