mercredi , 2 avril 2025

Interview : Benjamin Tranié, l’amour des personnages !

Hilarant sur scène comme dans ses chroniques sur Nova et Youtube, Benjamin Tranié est l’un des humoristes les plus drôles du moment. De son personnage de Beauf, à Tranié Raconte, en passant par son spectacle « Le dernier Relais », le comédien ne se cache pas derrière ses personnages en interview. Rencontre.

Quel parcours que celui de Benjamin Tranié pour devenir aujourd’hui l’un des humoristes les plus fascinants de sa génération. Début sur Comédie +, puis un passage par des Chroniques sur Radio Nova dans les 30 Glorieuses. Et là, naissent les personnages du Beauf, de Tranié Raconte ou encore de Claude Bourbier. Des personnages populaires qu’aime interprétés Benjamin Tranié jusqu’à son dernier spectacle  » Le Dernier Relais ».

Avant sa triple représentation à la Comédie de Toulouse ce 30 septembre et 1er octobre, Benjamin Tranié se dévoile en interview et fait aussi le point sur la situation compliquée dans le monde du spectacle.

Pour débuter cette rencontre, évoquons le contexte actuel où il est difficile pour les artistes de faire ce métier. A titre personnel, comment te sens-tu dans cette période un peu bizarre quelques jours avant de retrouver la scène ?
Je ne sais pas si je suis prêt mais j’ai envie sûr et certain. J’ai vraiment hâte de remonter sur scène, c’est même trop bien ! Et comment on est ? On a un peu peur. Pas peur des gens mais plus pour la suite des aventures. On ne sait jamais comment on va être mangé chaque mois.

Toujours avec cette menace de report ?
C’est un vrai débat de savoir si on joue ou si on reporte une deuxième fois. Puis, je me suis dit : « vas-y c’est trop con, on s’en fout ». Alors, n’importe quel producteur dirait : « non non on va reporter je perds de l’argent ». Ecoute, moi je ne suis pas du tout dans cette optique là, donc pas grave on reviendra plus tard. C’est trop important pour moi, pour le spectacle et pour les gens. Il y a quand même des gens qui nous attendent et il ne faut pas, je trouverai ça terrible, les délaisser. Déjà que les cinémas, les gens n’y vont pas trop, si les gens perdent l’habitude d’aller au théâtre , ça serait une catastrophe.

Le fait jouer devant un public masqué, juste des regards sans sourire, comment l’ appréhendes-tu  ?

J’ai peur mais je ne sais pas. J’ai juste vu une personne, l’un des premiers que je suivais et qui a repris sa tournée, du coup j’ai vu un peu comment ça se passe , c’est Jeremy Ferrari. Il a fait une vidéo après son spectacle de reprise où il expliqua avoir joué devant que des masques et franchement il n’ a pas senti la différence. En plus moi, je ne fais pas du stand up donc c’est l’avantage . Quand on fait du stand up, on a besoin du contact physique avec les gens pour pouvoir rebondir, alors que moi c’est vraiment une pièce. Je pense qu’effectivement pour les gens qui font du stand up, voir des gens masqués et leur demander où ils habitent et ne pas pouvoir entendre la réponse ça doit être assez compliqué.

On va parler du spectacle justement. De quoi parle « Le Dernier relais » ?
Le spectacle parle de ces lieux un peu délaissés qu’on commence à oublier. Que les parents ont un peu moins le réflexe de nous faire découvrir. Parce que l’autoroute ça va plus vite que la nationale. Je voulais un peu remettre en avant ces lieux là où on mange bien pour 3 francs 6 sous et où on rencontre des gens formidables. Mettre en avant ces lieux là. Après autant le dire, je pense que n’importe qui n’aura pas envie de manger dans ce restaurant mais en gros c’était plutôt un clin d’oeil sur ces lieux que l’on oublie un peu.


Comment est venue l’idée ? Sur l’autoroute justement ?
En vérité, j’ai pensé très pragmatiquement : J’ai des idées de personnages, comment faire pour tous les faire se rencontrer ? Fallait trouver un lieu de passage. On avait pensé au tout début à un wagon bar , il y a pleins de gens qui ne devraient pas se rencontrer dans la vraie vie qui s’y rencontrent…ça reste quand même tout petit donc ça ferme quand même pas mal de possibilités de mises en scènes.Puis au final , je trouvais moins intéressant. Le restaurant, c’était effectivement une bonne idée mais si c’est un restaurant chic c’est pas les mêmes personnes etc… Du coup, n’importe qui prend la voiture et peut se retrouver là-dedans, donc ça coulait un peu de source de prendre un lieu comme ça.

Dans le spectacle, on retrouve une galerie de personnages assez populaires. Comment est née cette passion pour ces derniers?

En gros, je viens un peu de là. D ‘un milieu populaire. Tu sais, c’est assez marrant parce que la ville dont je suis originaire qui s’appelle Coulommiers, en Seine et Marne, les gens n’y sont pas du tout ce qu’on imagine. C’est-à-dire que quand je fait un personnage qui potentiellement vient de là-bas, tout le monde croit que c’est vraiment comme ça alors que pas du tout. Je parle de ce que je connais, donc je n’ai pas inventer une ville ou un endroit que je ne connais pas. A chaque fois je parle de lieux que je connais : je parle de zones industrielles ; de bowlings, de choses comme ça dans les chroniques et en fait on vient tous d’une ville où il y a une zone industrielle, où il y a un bowling …Du coup tout le monde se retrouve un peu là-dedans. On a le même référentiel. Coulommiers c’est un peu la ville où tout le monde habite.

C’est l’uniformisation des zones urbaines..
Alors je ne compare pas du tout mais dans le story telling ; je me suis un peu comme Orelsan. Il est de Caen, il parle de ce qu’il connaît et il s’avère que tout le monde a un peu vécu la même vie que lui. C’est ça qui est intéressant. Puis ce sont des gens que j’avais envie de mettre en avant, je trouve ça beaucoup plus intéressant. Ce sont des gens qui ont des choses à dire, voire qui ont souvent trop de choses à dire (rires). Ce sont toujours des gens qui n’ont pas leur langue dans leur poche, ils s’en foutent des répercussions, c’est du coup plus intéressant dans le texte et dans le jeu.

Dans l’écriture, il y a une différence avec une chronique forcément. Quelle est ta façon d’aborder les choses ?
Les chroniques m’ont permis de me faire connaître. Mais les gens viennent pour voir quelque chose d’autre au spectacle. C’est super parce que les gens sortent de là en se disant génial, il parle de pleins de persos sauf ceux pour lesquels ils étaient venus. C’est ça qui est génial parce que les gens retiennent d’autres trucs. Surtout ça permet de tester, de proposer pleins de choses… Je suis beaucoup plus libre, et dans le texte etc. Alors on l’était déjà beaucoup sur Nova mais la chronique c’est un one shot donc on ne peut pas trop se louper, alors que sur scène, tu peux tester des trucs et si au bout de 4 fois ça n’a pas marché on passe à autre chose. On se met un peu en danger et c’est ça que j’aime bien en fait. Le spectacle est très évolutif !

En dehors du spectacle, on te connait aussi pour le personnage du Beauf dans les chroniques de Nova, et désormais sur internet. Quelle relation avec ce personnage as-tu?
Le vrai zinzin qui a 8 personnages dans sa tête ! (rires) Non, je suis vraiment très attaché à ce personnage. Il permet une liberté folle que ne me permettraient pas beaucoup de persos, donc ça j’aime bien l’utiliser. Après j’ai la volonté d’essayer de ne pas trop m’enfermer dedans, alors là je fais des petites vidéos où je l’utilise dedans parce que ça me fait marrer et que j’avais cette idée là. Après je ne sais pas combien de temps ça va durer. Je sais que je ne vais pas du tout faire ça pendant 3 ans. Enfin en tout cas là je fais ça pendant quelques mois parce que ça me fait marrer …

Donc pas de série, pas de film, pas de dérivé, pas de poupée Barbie à l’effigie du beauf …

Ca pourrait ! Ca m’intéresserait, j’aimerais bien le faire, c’est un peu une idée qu’on a dans un coin de tête mais je veux faire ça bien. Je n’ai pas envie de me lancer là-dedans sans que ce soit LA bonne idée ou LE bon truc. Mais je pense que le personnage n’est pas encore assez marqué ou connu pour me lancer dans un truc aussi balaise. C’est une volonté après je n’ai pas non plus envie de trop gaver les gens avec ce personnage. Et je ne veux pas être le comique d’un seul personnage.

Penses-tu difficile de sortir de l’étiquette du beauf ?

C’est très difficile. A chaque fois je prends un exemple, la pauvre parce que ce n’est pas du tout contre elle mais c’est pour l’exemple : je ne veux pas finir comme Mado la Niçoise,. Oui, elle a une énorme carrière, c’est super , peut-être que c’était sa volonté de ne faire que ça, mais moi c’est pas du tout ce que j’ai envie. Je dois être vigilant. Sinon, on ne nous proposera plus que des choses comme ça.

Les personnages, que ce soit dans « Tranié raconte » ou dans le spectacle, il y a des puchlines assez trashs. A quel moment sais tu que tu vas trop loin ? Il y a de l’autocensure ?

Oui, je me censure quand je me dis là c’est gratuit. Avec mon co-auteur, à la relecture on se dit : est ce que la personne qui l’entend ne va pas être vexée ? A chaque fois c’est un peu ça. On se dit on ne veut pas vexer non plus. Ou plutôt, je ne veux pas que ce soit gratuit. Je veux qu’il y ait un fond de vrai et que ce ne soit pas se moquer pour se moquer. C’est un peu la seule censure que j’ai. Je me dit bon là franchement je ne suis pas sympa. J’essaie toujours d’avoir une sensibilité là-dessus. Je ne sais plus qui disait ça mais il vaut mieux rire « avec » que « de ».

On le voit avec la video avec Seth Gueko par exemple

Oui là l’exercice est marrant parce que la personne est en face donc on peut se permettre. Même si je ne faisais pas le malin au début de ma chronique…

D’autres exemples de tête à tête avec une personne ?
Avec Seth Gueko, il savait ce que je faisais donc c’était quand même plus facile. Le pire, c’était avec mon personnage d’agent un peu raté de cinéma, tiré d’un vrai gars dans la vraie vie qui est producteur de one man, qui a eu une grande carrière . Il produisait Bigard au meilleur de sa forme donc il a quand même un très beau CV. Maintenant, il fait un peu moins de choses, ce qui arrive, c’est la vie. Avec ce personnage, je dis quand même de sacrées horreurs, alors pas en son nom mais presque. Un jour, Yacine m’a fait la blague de me le ramener en pleine chronique. Je suis arrivé sur la radio et je le vois autour de la table et là je me dit putain j’ai ma chronique avec que des horreurs où je l’imite etc.. Du coup il a pris le micro, en 5 minutes, il a dit les pires horreurs du monde. Là je me suis dit : bon les gens qui l’entendent, découvrent le personnage se disent effectivement il est déjà très trash , le vrai est trash.. Je me suis pas défilé et j’ai fait mon personnage. En conclusion, il a expliqué : moi, tant que c’est drôle il n’y a pas de problème.

Tu as un amour des personnages que tu interprètes, un amour du langage, il n’y a jamais de jugement ou de moquerie. C’est comme cela que tu vois ton humour ?

Non vraiment, ce n’est pas du tout l’envie de me moquer. Et puis j’ai, presque on peut le dire, une bonne éducation, où en gros je sais que mes parents m’écoutent, qu’ils viennent me voir en spectacle. Si je suis là à m’acharner sur quelqu’un, je passe un sale quart d’heure en sortie de spectacle ou de chronique. Je sais que ma famille m’écoute et après, faut qu’aux diners de famille tu assumes. Je ne suis pas comme ça, du coup là je passe des dimanches midis très agréable, il n’y a pas de problèmes.

Le public de Benjamin Tranié est assez remarquable et ce fait connaître facilement.
Oui il y en a qui font des t-shirts parfois avec juste des phrases des chroniques, ça me fait bien marrer. Du coup ça, ça fait plaisir, quand on voit qu’un sketch qui est sortit il y a 3 ans marche toujours autant c’est cool. ça veut dire qu’il regardable même 3 ans après et c’est quand même hyper cool.

La question qui fâche : Suite à une chronique sur Nova, tu as clashé BigFlo & Oli. Tu viens à Toulouse pour deux dates. Comment te prépares-tu à ça ?
Mes amis ! ( rires) Pour tout te dire et je le dis d’ailleurs sur scène, on a le même tourneur qui nous permet de jouer , Bleu Citron, donc c’est un comble. Je n’écoute pas trop ce qu’ils font je t’avoue, je ne les ai jamais trouvé pas sympathiques ou quoi, mais juste ce n’est vraiment pas ma came musicalement parlant. Ce qui me les as rendu un peu sympathiques, c’est que visiblement, j’ai demandé à mon tourneur : ils savent un peu qui je suis ? Et finalement, ils me connaissent car visiblement, ils ont dû tomber sur des trucs à moi où je me moque d’eux. Et ça les a fait rire donc je me suis dit : ils ont capté le délire. Après on parle quand même de mecs qui ont remplis des stades et moi je débute seulement.

Bientôt , le stade de France comme Bigard.

Non, en vrai pas trop. J’aime bien la proximité. Jouer et attendre que la phrase fasse écho à l’autre bout de la salle pour pouvoir jouer la phrase suivante ce n’est pas trop mon délire.

Enfin trois arguments pour venir voir le spectacle sur scène ?

Si vous m’avez vu dans des chroniques et que vous n’aimiez pas, je vous rassure c’est mieux (rires). Souvent les nanas des mecs qui sont venus me voir, qui à cause de leurs gars commencent à en avoir marre de ma tête, parce qu’ils leur en parle tout le temps etc, sortent très agréablement surprises. Elles me disent qu’elles ne attendaient pas du tout à ça : tu joues bien, c’est un beau spectacle, on se marre bien, je ne t’aimais pas trop mais là je commence à un peu plus t’apprécier (rires). C’est une bonne victoire ! Pour ceux qui ne connaissent pas trop, ce n’est pas du stand up, du one man, c’est vraiment une pièce où je joue tous les personnages. Si vous aimez bien les pièces de théâtre un peu différentes , ça peut vous plaire. C’est frais et nouveau. Si vous avez beaucoup voyagé en voiture et que vous avez fait quelques haltes dans des restaurants d’autoroute, ça sera un peu votre madeleine de Proust ..ça vous rappellera de bons souvenirs !

Réservations : www.bleucitron.net

A voir aussi

Interview. Sur la route d’Oscar les Vacances 

Les mardi 30 et mercredi 31 janvier 2024, Oscar les Vacances présentera son premier album …