Rencontre avec l’excellent Broken Back avant son passage par le Bikini de Toulouse le jeudi 2 mars.
De la trajectoire de Broken Back (alias Jérôme Fagnet), on pourrait tirer un scénario écrit à la façon d’un film de boxe. L’histoire d’un jeune homme engagé dans une voie professionnelle royale, puis qui physiquement s’effondre en raison d’un problème de dos. Bloqué, en convalescence, il trouve son salut dans la musique et, à travers elle, embrasse un large succès. Point de bascule de cet itinéraire rêvé : Broken Back, premier album éponyme où se content les coups du sort, la résilience et le bonheur recouvré.
A l’occasion de son passage à Toulouse, au Bikini, jeudi soir, nous avons fait le point avec le talentueux Broken Back sur l’année parcouru et sur ce premier album éponyme.
Tout se passe bien pour toi : sortie d’album en novembre, nomination aux Victoires de la Musique, tournée en France et à l’étranger. Dans quel état d’esprit es-tu ?
Je suis assez excité par tout ce qui se passe actuellement pour moi. Là, je suis en plein dans les préparations pour mon live aux Victoires de la Musique (NDLR : Interview réalisée la veille des Victoires). J’ai la chance d’être nommé dans la catégorie « Découverte scénique de l’année », qui me permet de jouer le soir de la cérémonie en direct sur France 2. Donc, grande et belle excitation de préparer cela. Et, d’offrir une belle version alternative de « Halcyon Birds ». Un cadeau pour tout ce qui me suivent depuis les débuts.
D’ailleurs, en une année, tout est allé très vite pour toi, entre l’EP et la sortie en novembre de ce premier album.
Je touche du bois. Cela va au-delà de ce que j’imaginais. Il y a une bonne critique pour la sortie de l’album, et le public a été rapidement au rendez-vous. Puis maintenant, ils viennent me voir sur scène lors de cette tournée, pour finir par une saison de festivals qui s’annonce grandiose pour moi.
En parlant de live, tu as énormément enchaîné les dates après l’EP. Comment te sens-tu sur scène désormais ? Sens-tu une évolution scéniquement chez toi ?
Clairement, oui. Après 80 dates, je continue de travailler à la guitare et à la basse car j’ai dû apprendre. Mon instrument de base étant le tuba quand même. Je pense aussi qu’avec le temps, on offre un meilleur live . Une troisième personne nous a rejoint sur scène. C’est Akimi, une jeune femme qui s’occupe de la guitare, des percus, de la basse, du piano mais surtout , c’est une deuxième voix, en plus féminine, qui me permet d’avoir des chœurs et une double voix. Le live s’étoffe. Puis, on a Camille à la lumière qui a préparé un show lumière incroyable, avec une pyramide basée sur la technologie laser…c’est assez immersif. Mais , il faut le voir pour apprécier et tu comprendras encore mieux.
En un an, ce sera la deuxième fois au Bikini, mais cette fois en tête d’affiche !
Oui, c’est ma deuxième fois, mais la dernière fut pour une première partie et je partageais alors la scène avec d’autres artistes. Là, c’est mon concert donc l’occasion pour moi de remercier le public toulousain de m’avoir accompagné jusque-là et de leur fidélité. L’occasion aussi de faire adhérer d’autres personnes à ma musique. C’est aussi très agréable de retrouver le Bikini !
Revenons aux débuts. Comment es-tu arrivé à la musique ?
J’ai commencé à l’âge de 7 ans. Une formation classique où j’ai appris le tuba pendant près de dix années. Et ensuite, assez récemment, je me suis mis à la guitare et au chant, en poussant au maximum ces côtés là. Après l’histoire retiendra que le début du projet est né après un déplacement de vertèbre. J’ai été bloqué chez moi pendant de long mois. Donc, j’ai commencé à faire du son, à acheter du matos, un micro, je me suis formé.. J’ai appris comment mixer etc…Tout s’est accéléré par la suite voilà trois ans depuis ma convalescence et cette vertèbre.
Le nom vient donc de cet incident ?
Oui, d’où le nom qui veut dire dos cassé. J’ai gardé ça. Tu sais, c’est marrant les noms, car tu testes pleins de nom, et aucun nom ne sonne bien. Puis, on en prend un, et petit à petit il prend son sens, on l’assume puis on l’aime. Un nom prend son sens comme un prénom, car il nous définit !
Parlons de cet album qui est dans la continuité de ton EP. On dénote une grande dualité dans ta musique, entre folk et electro ou encore entre musique joyeuse pour texte triste. Comment expliques-tu cela ?
Pour la continuité de l’EP, c’est assez logique. Voir très logique en fait. Parce que musicalement parlant, tout a été composé en même temps. L’album navigue entre la mélancolie et la nostalgie, il y aussi une dualité entre le folk et l’électro, l’homme et la machine, des mélodies légères avec des textes profonds, ou l’inverse comme « Get to go » par exemple. Cette dualité est au dûe au moment où j’ai composé. Lors de ma convalescence, j’ai fait naître chaque chanson dans un état où je n’étais pas très bien physiquement mais je gardais toujours une grande dose d’optimisme.
D’ailleurs une dualité qu’on retrouve sur la pochette.
Tout le paradoxe à différents niveaux incarné avec la pochette, oui. L’image de mon visage à droite est plus folk, inchangée, plus légère et de l’autre, mon côté électro, plus froid. Cette dualité de la pochette me définit plutôt bien.
Et comment choisis-tu tes thématiques ? Est ce qu’il y a des thèmes que tu t’interdis ?
Il y a tellement de sujets possibles, mais je n’ai jamais ressenti aucun mal à parler de certaines choses. Je débute, donc j’ai forcement beaucoup de choses à raconter, je me poserai la question quand je serai un vieil artiste. J’ai l’impression d’avoir un terrain de jeu immense avec un milliard de sujets possibles. Je suis plutôt dans la canalisation actuellement. Après, tout dépend de la personnalité de chacun. On est plus enclin à parler de certains sujets que d’autres.
L’un des thèmes les plus abordé reste quand même l’amour.
C’est un thème souvent abordé, plus que dans l’EP je l’avoue. J’ai élargi encore plus le domaine quand même. Mais pour le dytique sur le badboy cela n’aurait pas fonctionné.
D’ailleurs, parle-moi aussi de cette fable Got To go/Better run. Comment est né l’idée de faire cela sous forme de deux chansons ?
C’est un dytique que j’ai volontairement mis dans un ordre différent. Histoire d’avoir une clé de lecture au fur et à mesure. Si on les écoute à la suite, cela raconte quelque chose. C’est un exercice d’écriture inhabituel pour moi car non autobiographique. C’est une nouvelle manière, un laisser aller à l’écriture. L’idée, quand j’écris, est de m’écarter et de m’épanouir. Une envie de désaxer les choses !
Pourquoi avoir choisi de garder certains titres de l’EP dans ton album ?
J’ai mis volontairement des titres de l’EP car ils ont été composés au même moment que l’album, lors de ma convalescence. Cela incarnait aussi un puzzle musical qui fonctionnait bien pour l’album. D’autres ne s’y trouvent pas car elles ne correspondaient pas à l’état d’esprit de l’ensemble de l’album et de son processus de création. Cela se ressent subjectivement dans l’émotion véhiculée aussi.
Le processus créatif a changé ?
En fait, j’ai jamais autant composé de ma vie donc je peux évoluer. Je sens une évolution dans l’idéalisation de mes idées. Dans le fait de générer les idées. Mais le mécanisme est le même. Je sauvegarde les idées, et puis je les ressort pour jouer autour de ça.
A titre personnel, la musique a été un exécutoire pour toi. Comment vis-tu tout ce qui se passe ?
Je ne m’attendais pas à ça. C’était un exutoire passionné devenu une passion salvatrice. Dans l’écriture, mais je peux écrire mes problèmes, parler de moi, etc.. Cela ne va pas changer avec le temps, j’ai besoin de parler de certaines choses mais je peux me permettre d’autres styles d’écriture aussi.
Dans Young Souls tu parles de grandir. As-tu gardé, ou retrouvé, ton insouciance enfantine grâce à la musique ?
Tu as mis le doigt dessus. La musique me permet de retranscrire mon inconscient. C’est mon exutoire à moi, où une fois que tu as mis le doigt sur le problème ou l’idée, tu la transposes en musique pour que l’angoisse disparaisse. Young Souls remonte la pente de cette insouciance retrouvée.
Est-ce la définition de l’artiste selon toi : retrouver son âme d’enfance pour créer ?
Ce n’est pas forcement ma définition d’un artiste. Ce qui fait l’artiste c’est son travail, sa façon de faire. Tu sais dans mon écriture, je prêche plus le déstructuré dans le structuré que l’inverse. Avoir un cadre et s’en dégager. A l’intérieur, l’émotion rend la lecture des choses moins cartésienne.
Tu as connu le succès via internet. Quel regard portes-tu à ça ? Quelle relation entretiens-tu avec ton public ?
Extrêmement bienveillante ! Le projet au départ, je l’ai présenté gratuitement sans prétention aucune. Sans que je ne sache pourquoi, les gens ont écouté, et dès le départ, il y avait quelque chose de bienveillant vis à vis de mon travail. Je dois beaucoup à internet, ce pourquoi je suis très favorable à toute ces choses comme le streaming par exemple.
La suite s’annonce riche mais en quoi ?
La suite… c’est toujours la tournée, dans les clubs de France, les festivals et surtout l’Olympia en décembre. Et puis, bien entendu, de nouveaux titres.