jeudi , 3 avril 2025

Interview – Cascadeur, un poète singulier

Pour les Curiosités du Bikini volume 17, la salle de concert de l'agglomération toulousaine propose une belle affiche composée de Micky Green, Cascadeur et kid Wise. Rencontre avec Cascadeur, un poète à l'univers singulier qui présentera ce soir des nouveaux morceaux de son futur second album.
 
Après avoir incarné dans son premier album une pieuvre humaine prête à se nourrir de tout ce qui lui passait à portée de bras, Cascadeur a pris le temps de digérer le tout pour mieux se métamorphoser et décoller encore plus haut.
Pour rester intouchable et se protéger des âmes maléfiques qui rôdent inlassablement, Cascadeur a trouvé la parade pour conserver sa part de mystère : il sera désormais fantôme ! Ghost Surfer, Le nouvel album de Cascadeur est une galaxie arc en ciel, une arche scintillante comme une porte d’entrée vers un monde parallèle.  Notre héros, profondément accroché à ses rêves d’enfant, incarne dans ce nouvel enregistrement un « Casper des temps modernes » qui surfe sur les nuages plus vite que le vent et se faufile au gré de ses envies… Le spectre musical prend désormais la forme d’un éventail plus large qui varie les plaisirs et les rythmes. Rencontre avec un être à part, Cascadeur, avant son passage à Toulouse.
 
Qui est Cascadeur ? Comment est né le personnage ?
Historiquement, il est né en 2005, et lors de ma première scène mi-2006. A l’époque, je jouais avec mes propres moyens. Puis il y a eu la rencontre avec les Inrocks via le concours CQFD qui m’a permis de jouer de plus en plus. Cascadeur est un projet qui joue sur différents plans : scénique autour de l’identité visuelle, et dans la vie de tous les jours avec la nécessité d’un certain anonymat. C’est l’inverse normalement dans ce métier. On joue pour être connu, moi non ! Etant émotif, j’avais besoin d’un casque mais aussi avoir la possibilité d’émouvoir rien qu’avec ma musique. Une carapace pour être plus à l’aise.  C’est une armure apparente mais qui ne désacralise pas l’émotion dégagée. Paradoxalement, je trouve les attitudes de chanteurs plus fausses que les miennes derrières un masque.
 
En t’écoutant, ou en lisant des propos te concernant, on sent une grande part d’enfance. Comme si tout naissait de là. La musique a toujours fait partie de ta vie ? 
Oui, j’ai commencé à l’âge de 8 ans un peu comme tous les enfants à cette période-là de l’existence. C’était ma double vie. Ma double existence. Je jouais beaucoup de musique dans mon coin. Tout le temps. Je me sentais comme un superhéros : la nuit je me transformais en musicien. Le jeu du double est ancré dans mon enfance. Comme l’idée de la doublure d’un cascadeur qui double des acteurs. J’adore l’idée. Je suis une personne assez enfantine, et l’idée du Cascadeur a été une longue réflexion qui peut se voir par le biais de ce jeu d’enfant.
 
En 2011,  tu sortais ton premier album. Là, c’est un nouvel EP. Comment as-tu vécu la réussite de ton premier album ?
Ma réussite :  c’est très émouvant. J’étais dans une phase de ma vie où je n’avançais pas. Je savais pourtant que je voulais faire de la musique et, que je n’abandonnerais pas. Je souffrais d’isolement, je ne savais pas comment faire pour être dans la lumière. Et, surtout, me faire entendre. Mais je n’étais pas à un point de tout sacrifier pour émerger d’une télé réalité. Paradoxalement, je voulais être dans la lumière sans être vu. D’où, une nouvelle fois, l’idée du Cascadeur. Le succès était donc plutôt émouvant. Les chansons étaient là en 2006. C’est incroyable de devenir une sorte de Don Juan (rire).  Je n’osais pas espérer rencontrer un public. Puis les témoignages m’ont touché. Les gens se livraient à moi par rapport à ma musique et leurs vécus. Je me rendais compte qu’on était nombreux à être seul, mais que cette solitude disparaissait dans une écoute musicale. C’est comment être plusieurs tout en étant seul. Une sorte de miroir réfléchissant de nos émotions. Je venais de comprendre que je venais de raconter une histoire intime mais tout autant universelle.
 
La solitude dans une sorte de groupe en quelque sorte.
C’est incroyable le message délivré par un public. Même si j’étais très intime, j’entrais dans la vie des gens avec des mots et des notes. Ce sont comme des amis que je ne connais pas. C’est assez troublant. Moi qui partait de rien, qui étais isolé, je me sens connecté à une même famille des anonymes sensibles.
 
Tu viens de dévoiler le premier EP de ton futur album prévu pour cet hiver. Comment as-t abordé ce nouvel opus ? Est-il dans la continuité du premier ?
Il s’est construit dans un vrai travail de continuité avec un peu plus de lumières que dans le première sur certains titres.  Mais il reste des moments sombres. Même, on peut l’avouer,  il sera plus sombre encore par moment. Il y a ce versant solaire où on peut s’y bruler. Ça change des choses dans la construction même si dans l’idée on est assez proche : on travaille différemment sur un deuxième opus. Je pense musique et je tente de nouvelles choses. Ma musique est en perpétuelle mouvement.
 
 

 
En écoutant ton premier EP, Ghost Surfer, on sent une démarcation notable avec le premier album. Est-ce que l’album s’oriente vers ce genre de son ou c’est juste sur ce morceau ?
Ghost surfer est en effet le premier EP de l’album prévu. Il parait plus enjoué mais il trimbale une certaine mélancolie à fleur de peau. C’est un morceau assez scandé avec un rapport aux éléments où on peut y trouver deux points de vu. Mais il est à part dans l’album tout en y étant bien ancré. Je garde le mystère pour le moment.
 
L’image et le cinéma sont très présents à l’écoute de ta musique. Est-ce des influences notables ?
C’est souvent une zone de départ. Je continue de regarder de nombreux films, j’en ai besoin. Je ne peux pas m’arrêter pour me mettre à la réalisation, même si ça a pu me trotter dans la tête. Mais réaliser des albums me donne la même force. C’est un autre travail de schizophrène. Je joue comme un acteur de cinéma, je réalise mes albums comme un réalisateur, et mon personnage est un cascadeur, donc le cinéma est une des plus grosses influences de mon univers.
 
En parlant de travail en studio, comment se passe le processus créatif chez toi ?
Dans mon cas, c’est assez archaïque. Je travaille comme pas mal de monde. Je commence par jouer des morceaux au piano, mon instrument d’enfant. Dans les périodes fortes, je note tout dans un carnet. C’est comme un journal intime mais mis en musique. J’y passe beaucoup de temps, je ‘m’entraine énormément avant de trouver le ton juste d’un morceau. Je travaille actuellement sur la suite, il faut être capable d’anticiper la suite rapidement. Il faut être toujours en avance comme en musique classique quand on lit des partitions. Etre en décalage. En fait, comme un cascadeur. Il faut se projeter vachement à l’avance avant de se lancer. C’est ce qui me plait dans ce travail intérieur.
 
Comment décrirais-tu ta musique ?
Je me retrouve dans des endroits inconnus ou des coins proches. Ma musique colle au cœur de l'humain. Il y a beaucoup de simplicité et une synthèse de mon parcours : le classique, le jazz, l'expérimentation. C'est une facette de l'être que je veux être. Et que je suis.
 
Tu présentes ce soir un nouveau set à Toulouse. Peux-tu m’en dire plus ?
Ce qui se passe avec cette formule, autant j'étais seul sur la première, là je suis accompagné. A Toulouse, on sera à deux. C'est un set atmosphérique que l'on a expérimenté à l'étranger. C'est une formule tout autre que ce que je faisais avant. On reste dans la lignée de la précédente et on amorce la prochaine.
 
Etre plusieurs sur scène t’apporte plus qu’avant ? Est-ce une chance pour toi ?
C'est une chance oui. Et un choix surtout. J'ai passé plus de cinq ans seul, c'est difficile à vivre. Il faut changer aussi. J'ai besoin de solitude sur scène, mais aujourd'hui, j'ai besoin surtout de la liaison avec d'autres. C'est une nécessité absolue. Une tournée seule est interminable au bout d'une période. Là, je peux être Cascadeur mais aussi jouer avec un autre. La solitude est inhérente à ce métier. La musique isole car tu communiques peu. Chacun explore sa solitude. Il est important pour moi de retrouver ce personnage sur scène. 
 
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Beaucoup de choses. J'ai hâte d'avoir les premiers échanges autour de l'album. Je crois que l'idéal serait que les gens voient l’évolution et viennent pour découvrir l'album. Là, il n’est pas encore sorti donc je fais un set de découverte. Après j'ai la chance de poursuivre. Le plus dur c'est le crash : c'est l'idée du Cascadeur. Cet album est un nouveau saut dans le vide, mais pas seul pour une fois. On est tributaire de pas mal de facteurs avec des choses qui nous échappent. Je suis assez confiant. Car ce nouveau saut va surprendre, on va aller ailleurs. Je ne peux préjuger de rien, c'est rare, mais je suis content du travail. Du projet. 
 
 
Les Curiosités du Bikini : Micky Green + Kid Wise + Cascadeur
Jeudi 12 décembre à 20h au Bikini
Tarif 5 euros
Réservations : www.lebikini.com
 
 

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