
D’jal sera sur la scène du Casino Barrière de Toulouse ce mercredi. Toulouseblog était allé à sa rencontre !
Avant sa date toulousain ce mercredi soir, l’humoriste s’est confié entièrement et humainement. D’Jal évoque avec nous son nouveau spectacle mais aussi la crise de la Covid, son amour de la scène, sa première expérience au cinéma (on parle même d’une suite à Opération Portugal) et tant d’autres sujet. Le natif du Val-de-Marne ne mâche pas ses mots mais le fait toujours avec une certaine humanité caractéristique de ses personnages sur scène. Rencontre.
La tournée reprend, les dates s’enchainent. Comment vis-tu ce retour devant le public ?
Un peu comme tous les artistes, ça redémarre mais tu sens que ça redémarre doucement. La problématique étant qu’il y a eu tellement de reports, d’annulations etc. qu’on a l’impression que les gens prennent leurs billets à la dernière minute.
Tu penses que le public est plus prudent ?
Il faut les comprendre, malheureusement ! Je reçois beaucoup de messages là-dessus. Tu es obligé de répondre à plein de messages « est-ce que le spectacle de telle date est maintenu ? » etc., c’est du service après-vente. Il faut comprendre leurs questionnements et leurs interrogations là-dessus . On relance la machine. Pour l’instant, j’ai repris et toutes les dates sont complètes mais à la dernière minute, alors qu’avant on avait beaucoup d’avance. Il faut réapprendre à aller rechercher le public je dirais quelque part, mais c’est comme ça.
De ton coté, comment appréhendes-tu ce retour sur scène ?
Je ne sais pas si c’est du stress, il y a de la motivation, de la détermination, de l’envie. Il y a aussi un questionnement sur soi-même. Le confinement te laisse le temps de te dire « est ce que je veux revenir ? » J’ai toujours envie de m’éclater, j’ai envie de reprendre un peu plus de plaisir. Il y a quelques petits trucs que je change, surtout dans mon approche et comment je reconçois le métier. Je reviens à quelque chose d’un peu plus brut. C’est la notion de plaisir qui revient quelque part.
Tu penses avoir perdu, à un moment, cette notion de plaisir ?
Je ne sais pas, peut-être. Quelquefois, tu sais, la tournée est tellement intense, tu fais tellement de dates, tu bouges tellement que t’en oublies les fondamentaux. C’est comme un footballeur, un joueur de rugby, à un moment on lui dit de jouer « relaché » parce qu’il est en mode automatique et c’est là que tu prends du plaisir. Nous, on aime les créateurs, les gens qui te surprennent.
Le spectacle, qui malheureusement avec le Covid, a eu une grosse coupure, a t-il évolué ?
Oui, il évolue. C’est dans mon approche. Alors, tu ne peux pas tout changer. Le spectacle a eu du succès parce que les gens aimaient les sujets que je traitais. Ce sont des sujets qui sont propres à moi, ma vie et à ce que je suis, donc tout changer ça aurait été un grand danger. Pour ma part, en tout cas, c’était une remise en question de moi dans mon approche et de comment je devais être, et de se dire, je ne calcule pas, j’y vais à fond. Et je pense que c’est ce que les gens aiment. C’est ma nature et être nature sur scène, c’est important.
Et dans l’écriture, est-ce que le Covid entre dans le spectacle ?
Non, je n’ai pas envie de parler du Covid. Je ne veux pas l’exorciser, mais je pense que pour les gens, ça suffit. Ils l’entendent à la télé, etc. Pendant une heure et demie, ils oublient. Je n’ai pas envie de faire des vannes sur les masques, les cas contacts. Franchement, moi ce n’est pas un truc que j’ai envie d’entendre, ce n’est pas quelque chose qui me parle. Si tu es dans ta bulle et que je te fais revenir à ce qui est anxiogène et ce qui nous a stressé ou nous a mis à mal, ce n’est pas le but.
Parlons de ce seul en scène. Comment décrirais-tu ce spectacle ?
Ce spectacle, c’est un hymne à la vie. Ce sont des personnages hauts en couleurs, il a fallu trouver des nouveaux persos, des nouvelles situations parce que ce que j’aime c’est me mettre aussi en sketch. Je fais du stand up mais je fais aussi des sketchs. Je voulais aussi parler de moi, ce que je suis, ce qui m’a changé, ma rencontre avec les myopathes et d’en parler. D’essayer de faire rire avec des sujets lourds, d’essayer de les aborder justement sous l’angle de l’humour et pas du pathos. Au début, j’avais un petit peu peur et puis je me suis rendu compte que ça leur faisait du bien au public d’évoquer ces sujets. Parfois tu rencontres des gens qui ont des situations beaucoup plus difficiles et qui sont bien plus fortes que toi. C’est des leçons de vie. Faire rire en parlant de myopathes c’est un vrai challenge et j’ai plutôt bien réussi car j’ai de bons retours sur ce sketch. J’essaye d’apporter une touche humaine, une réflexion sur le sens de la vie.
« Toulouse, c’est une région qui me ressemble »
Il y a beaucoup d’humanité́ à travers les personnages. Faut-il les aimer pour les créer ?
Bien sûr ! Il faut toujours les aimer. Il faut toujours avoir de l’affection pour eux, parce que leurs travers sont tes travers. Ces personnages-là, je les aime, mais je ne les fais jamais méchants. Ils sont toujours avec beaucoup d’affection, ils veulent toujours bien faire et ils font mal en fait. C’est le propre du clown. Alors ça ne veut pas dire que je n’aime pas l’humour noir, j’adore ça, j’adore tout type d’humour, je n’ai pas de problème. Mais moi en tout cas, c’est ma ligne éditoriale, c’est ma couleur et c’est quelque chose que je ne changerai pas. C’est quelque chose qui fait partie de mes valeurs et c’est pour ça par exemple, que j’aime bien jouer à Toulouse.
Pourquoi Toulouse ?
Parce que Toulouse, à chaque fois, c’est une région qui me ressemble. On est tous Français, mais si tu vas dans le Nord, ils ont une autre façon de voir les choses, une autre mentalité́, si tu vas à Toulouse, c’est différent, à Marseille, c’est différent, etc. Ça ne rigole pas pareil, ça ne rigole pas au même moment . En tant qu’individu je me dis : « quelle région me ressemble ? » . Pour moi c’est la région Occitanie. Toulouse et l’Occitanie me ressemblent. Vous avez les plus grandes terrasses, vous êtes toujours les premiers à manifester parce que vous êtes « méditerranéens » un peuple du Sud, vous aimez les grandes fratries, partager, manger, discuter, gueuler. Et quand c’est des rassemblements, ce sont toujours des grands rassemblements. Tu vas à Cannes, c’est plutôt un groupe d’amis, ils aiment se faire voir.
Les gens du Sud Ouest, ils ont un rapport à la terre, au partage et aux rapports humains qui est différent ; je ne veux pas dire qu’en France il n’y a pas tout ça mais c’est différent. Il y a une mentalité́ qui est différente.
Tu as fait pas mal de tournées que ce soit en France comme dans plusieurs plusieurs pays du monde. Est-ce que l’humour est différent ? Qu’est-ce que ça t’a appris ?
C’est totalement diffèrent, c’est pour ça que dans ces pays là, je réécris des spectacles spécialement pour là-bas. J’ai un spectacle pour aller jouer au Maghreb, un spectacle pour jouer en Afrique…Au Moyen-Orient, il y a des sujets que tu ne peux pas traiter donc il faut s’adapter. C’est une question d’adaptabilité́. Comme un joueur de foot. Si tu le mets au Real Madrid, il va jouer d’une certaine manière et si tu le mets à Toulouse, il va jouer d’une autre manière. Tu t’adaptes à chaque fois au poste et c’est ma force. M’adapter, réécrire et être productif. C’est ça qui te fait durer aussi, alors ça ne veut pas dire que tu vas faire une grosse carrière, je ne me prends pas pour une énorme carrière.
Et ça nourrit tes spectacles à chaque fois…
Oui, ça me nourrit moi et ça nourrit ce que je suis. Je sais ce que je sais bien faire et ce que je ne peux pas faire ou ce que je n’ai pas envie de faire. C’est un challenge, et quand tu te mets un challenge, tu t’amuses beaucoup plus.
Est-ce qu’il y a des thématiques qui sont difficiles à aborder ? Où tu n’y arrives pas, où tu bloques ?
La politique. Ce n’est pas pour moi. Je préfère aborder le côté humain de l’humanité, c’est plus fédérateur pour moi que la politique, dire « lui il est moins bien qu’un tel », tout est subjectif. Tout est propre à chacun et puis je suis sûr qu’il y a des gens racistes qui viennent me voir, qui votent Front National et qui se marrent. Et moi ça ne me gêne pas. Si tu peux faire changer le regard des gens, même si je ne sais pas si tu les changes totalement mais je peux leur faire ouvrir le coeur. Ce sont des gens qui ont peur ; mais on a tous peur. Il n’y a qu’à voir la campagne qui part. Elle part beaucoup sur la peur. La peur fait vendre. Fait voter malheureusement, c’est toujours comme ça. Alors qu’il y a des problèmes bien plus importants que tout ça, il ne faut pas nier les problèmes qu’il y a, mais il y en a des plus importants qui touchent la population. S’il y a eu des gilets jaunes c’est qu’il y a un problème de pouvoir d’achat. Il y a des gens qui ne vivent pas assez bien.
« une expérience géniale mais à la fois très bizarre. »
Passionné de cinéma, il y a eu un premier film cet été, dans des conditions difficiles aussi entre pass sanitaire etc..
On a eu pass sanitaire, restrictions, couvre feu. Il ne manquait plus qu’une météorite et on était bon. Et malgré ça, il a cartonné. Il a tellement cartonné que c’est le film Français le plus ?? . On a fait plus de 500 000, ce qui est énorme en cette période. On a tué tous les scores du film et c’est tellement fort que maintenant on me demande d’écrire tout de suite le 2. C’est formidable pour moi, je suis content, il va sortir en DVD à la fin du mois et je crois justement qu’on espère qu’il va avoir une nouvelle vie et là les gens vont pouvoir le prendre en DVD, en streaming. Il va être sur tous les sites pirates, on va pouvoir se l’envoyer.
Comment tu as vécu cette expérience, toi qui est un grand fan de cinéma ?
C’était génial de retrouver le public, c’était stressant de le faire dans ces conditions-là. Nous, on s’en sort plutôt super bien je dirais et là si on parle en terme de cinéma et d’enjeu, j’étais triste pour les autres. Nous, on est passé entre les gouttes sur le pass sanitaire. Le cinéma s’est écroulé et il y avait des gens qui avaient travaillés depuis 5 ans, 6 ans, 7 ans ou je ne sais pas combien, toutes ces équipes qui ont mis tant d’argent sur leur film et qui s’écroule à cause de ça, c’est assez terrible. Toi, tu te dis, je suis passé, malgré toutes les restrictions qu’on avait, on a réussi à faire un super score et ce qui s’est dit dans la profession c’est que le film aurait pu faire 1 million et demi voir plus. Maintenant, on ne va pas refaire l’histoire. Nous, on s’en sort super bien mais c’est vrai que pour la culture, ça fait mal. C’était une expérience géniale mais à la fois très bizarre.
Une suite à Opération Portugal
La suite c’est quoi ? La tournée, le spectacle, le cinéma de nouveau ?
Le cinéma, puisqu’on m’a demandé tout de suite d’écrire la suite du film. Ca ne va pas se faire là tout de suite, mais ça va se faire. C’est important. Après, j’aimerais bien faire un autre film totalement diffèrent. Je prends ce qu’il y a en fait. La pandémie nous a tellement fait mal, mais à un point fou, que j’essaye de prendre les projets qui arrivent pour essayer de travailler quelque part. Parce que tu crains tellement que ça s’arrête. Donc je n’ai pas de plan de carrière, mon seul truc c’est de terminer ce spectacle et jouer au maximum, et ensuite ce film-là. J’ai créé en parallèle une pièce de théâtre que j’aimerai bien monter pour d’autres comédiens, et après j’aimerai bien reprendre mon sac à dos et repartir dans les petites salles. M’amuser, recréer un nouveau spectacle, me remettre en danger. A l’heure actuelle, je ne fais pas trop de plans sur la comète parce que tout va tellement vite.