vendredi , 23 mai 2025

Interview – Oxmo Puccino, un poète ancré dans son époque

De retour avec un album flamboyant, Oxmo Puccino investira la scène toulousaine du Bikini ce mardi. Rencontre avec un artiste sincère qui a pris le rap pour l'embarquer ailleurs.

Oxmo Puccino est revenu en cette rentrée avec un cinquième volet de son oeuvre : " Un Roi sans Carrosse". Un album explosif, organique, ancré dans son époque et empreint de réalisme poétique, qu'il défendra sur scène du Bikini ce mardi accompagné de ses musiciens. A cette occasion, le rappeur revient sur la genèse de ce nouvel opus qui est pour celui qui l'écoute un vrai cadeau pour les cages à miel.
 
 
Oxmo, tu es en pleine tournée, comment se passent les retrouvailles avec ton public ?
Ça se passe de manière fantastique. J'ai hâte chaque jour de retrouver la scène. Au-delà de ce que j'attends, il se passe une sorte d'émulation sereine autour. Pour Toulouse, je n'ai qu'une hâte, au-delà de la musique, c'est de retrouver la cuisine d'Hervé. Il accueille toujours les artistes chaleureusement. Cette tournée est une découverte, une nébuleuse humaine avec de nouvelles versions de mes titres. Je suis ravi.
 
J'ai l'impression aussi, en voyant tes concerts, comme ceux d'Orelsan ou Youssoupha, que le rap réunit autour de toi un public plus large ?
Le rap a grandi et commence à être compris par le plus grand nombre. L'évolution aujourd'hui est telle qu'on fait de la musique tout simplement. Ce n'est plus une catégorie mais un art bien inscrit dans la continuité musicale française. On fait de la musique qui rassemble, tout simplement. Un art un peu comme les autres, qui appartient à l'auditeur. Seul l'auditeur est maitre de notre qualification. 
 
"Je ne cours pas après la reconnaissance"
 
Les préjugés sont tombés ?
Quand on parle rap, on parle de musique. Les personnes qui ont encore des préjugés ne font pas l'introspection nécessaire pour découvrir cette musique. Enrichie par son passé, l’histoire du rap est dense. Leur comportement m'amuse. Sinon c'est très intéressant comme question. Moi, je ne cherche pas la comparaison de personne. L'incompréhension profite aussi au mouvement. « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, qu'importe, tant qu'on parle de moi », Oscar Wilde. Voilà une phrase significative. On s'en moque, on ne participe pas à ce débat. Je ne cours pas après la reconnaissance, je fais simplement de la musique.
 
C’est ce que tu expliques dans Artiste, où tu rends hommage à ce milieu. 
Artiste, j'ai essayé de défendre une condition qui à mes yeux est importante. Ces personnes m’attirent, et je voulais leur rendre un vibrant hommage, même pour celles qui semblent faire quelque chose de moins artistique. Par exemple, quand je regarde un meuble, j'imagine la personne, l'artiste, qui a pensé, assemblé l'objet. De même pour un canapé : celui qui a tanné le cuir est un artiste. Tout ce qui aide à ouvrir les yeux est artistique. Un couteau, la matière, la publicité. Un artiste est une personne qui pousse le savoir-faire à la beauté. Un artisan peut être un artiste. Comme un pilote de course. Beaucoup d'artistes font de leur vocation leur métier, mais j'aime aussi à penser aux autres. Voir un dentiste sculpteur, un guitariste chauffeur de bus. Ce n'est pas seulement ceux qui en vivent, ce sont tous les autres à qui je rends hommage dans ce texte.
 

Comment s'est passé le processus créatif sur un « Roi sans carrosse ». A-t-il changé au regard des précédents ?
Il y a eu beaucoup de changements. Je n'ai jamais travaillé de cette manière avant cet album. Je n'avais pas l'énergie nécessaire pour repartir sur la création d'une nouvelle œuvre. Ni sur de nouveaux textes. Je suis parti, car j'en avais besoin, chez des amis très proches au Brésil. Ils m'ont offert une guitare. Un cadeau si beau, si prenant. Je me suis mis à en jouer. Lorsque de ce voyage, j’ai lié les textes avec la musique. Je suis revenu du Brésil avec six maquettes, pour une naissance future. J'avais assez de matière nécessaire, et là, Vincent Segal m'a offert  les arrangements de façon remarquable. Un vrai cadeau. J'étais en totale confiance guidé par ses bidouillages.
 
A l'écoute, l'album est plus intimiste, plus simpliste dans sa forme. C'est là où Vincent Segal a fait l'essentiel en ne dénaturant pas ton travail ?
C'est un choix. Vincent Segal voulait rester fidèle aux maquettes : l'idée germée comme idée finale. Il a été touché par les maquettes, donc le disque devait ressembler à ce voyage. Le propos est servi par des sons minimalistes. Il est différent aussi du précèdent dans cette quête-là. L'autre avait plus de filtre, plus d’énergie. Là, les textes sont primordiaux et alimentés par ses petits sons. C'est un choix évident au regard de la naissance de l’album.
 
Tu parlais de Vincent Segal, mais il y aussi dans l'album la participation de Ibrahim Maalouf. Comment fais-tu pour si bien t'entourer ?
C'est un véritable cadeau de les avoir dans mon entourage à des moments de ma vie. C'est une chance de les avoir dans mon travail aussi. Ce serait stupide de laisser passer de tels talents. De tels magiciens. L'occasion marque une époque, un temps. Il ne faut jamais laisser passer des occasions, sinon on le regrette. Ils me galvanisent dans leur travail, comme dans l'échange humain que j'y trouve. 

 

Chaque album est une nouvelle histoire, une pièce supplémentaire de ton œuvre, une part de ta vie. Tu avais des choses à dire que tu ne pouvais pas exprimer avant ?
Forcément, il y la manière d'aborder une thématique au regard de l'expérience, de l'étude faite et de la réflexion du sujet à la période où tu l'abordes. La forme se construit dans cette évolution de la même manière. A l'âge avancé, tu es plus poussé vers des sujets qui n'étaient pas les tiens auparavant. Ce qui me rassure dans le processus, c'est qu'il n y a pas eu internet avant, ainsi j’ai pu parler de plusieurs thèmes sans réfléchir. Maintenant, c’est plus difficile. Donc, quand on aborde un sujet, on aime à croire qu’il n'a pas été fait avant. D’abord chez soi !
 

"Je ne fais pas de portfolio de moi-même"

D'ailleurs, quel regard a le nouveau Oxmo sur l’ancien Oxmo ?
Le nouveau Oxmo, c'est tous les jours. Là, mon guitariste se lève, on va passer un bout de la journée ensemble. Je suis au milieu des évènements, sans regard sur le passé. Sachant que cet Oxmo là reste sur la même ligné, rythmé par les même envies. Le chemin est sinueux, ficelé mais reste le tout d'une facette de mon identité. Je ne fais pas de portfolio de moi-même. 
 
En première partie, mais aussi en duo sur l'album, on retrouve Mai Lan. Peux-tu me parler d'elle, de cette belle rencontre ?
Une rencontre qui remonte tellement loin que j'ai oublié. Comme si elle existait depuis toujours. La musique est une matière agréable de notre vie commune. Je suis depuis longtemps certain de son talent. C'est une artiste globale, où la chanson n'est qu'une flèche de son carquois. Sur cette chanson, je voulais une voix féminine, elle était parfaite. Et je suis heureux d'avoir une artiste comme elle dans mes proches. Il était logique qu'elle effectue cette tournée en ma compagnie. D'abord, car elle a le talent nécessaire et que le public se doit de la découvrir. Et puis, il n'y a pas cette chanson sans elle.
 
"Le présent est magnifique."

Plus récemment, tu as collaboré avec Benjamin Biolay sur son excellent album « Vengeance ».
Une belle opportunité s'accompagnant d'une belle rencontre. D'autre sont à venir avec lui. Pour cette chanson, on a discuté, échangé pour parvenir à ce beau cadeau. On est à un stade de nos carrières où on ne veut faire que de la musique sans se soucier des critiques. Et on fonctionne de la même manière, c’est-à-dire avec les autres. On est des chercheurs depuis une dizaine d’années déjà. On s’est trouvé.
 
Enfin, depuis le mois d’octobre, tu as été nommé Ambassadeur de l’UNICEF ? Qu’est-ce que ça représente pour toi ? En quoi ça consiste ?
Etre ambassadeur est magnifique ! Je suis un symbole qui vit dans l’ombre des personnes qui travaillent au quotidien dans des pays difficiles. L’Unicef concerne surtout la cause des enfants. Je vais essayer de témoigner sur les efforts fournis par les membres de cet organisme, à mon échelle bien entendu. La mission est gigantesque : fournir des vaccins, mettre en place l’éducation dans des pays difficiles. Je suis très fier de porter la lumière sur ces beaux projets. Je trouve très bien de participer à un tel message. A savoir que tout le monde devrait participer à une œuvre. N’importe les moyens, c’est bon pour la conscience. 
 
Pour finir, la suite, c’est encore de nombreux concerts ?
Oui, mais je suis totalement dans le présent. Je travaille le présent qui influe logiquement sur la suite. Chaque rendez-vous de cette tournée est unique. Mémorable. Le présent est magnifique.
 
Oxmo Puccino à Toulouse
Mardi 4 décembre à 20h au Bikini
 

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