Le 18 février, Rover présentera son deuxième album, Let It Glow, au Metronum de Toulouse. Rencontre avec l'auteur du très beau "Let it Glow".
Rover a sorti en 2012 un premier disque, sorte de fulgurance électrique viscérale, drapée d'un velours où il était possible de s'oublier. Quand on le rencontre, on ne peut s'empêcher de voir une silhouette à la carrure colossale et aérienne. Une voix d’ange qui résonne. “Let It Glow”, son deuxième disque oxymore, est gorgé de chansons cristallines ou rocailleuses, il parle de nouveau chapitre. Rover écrit la nuit, souvent, et enregistre sur bandes. Il a réalisé l'album lui-même, l'a enregistré dans un studio breton, Kerwax, avec des amplis aux lampes capricieuses, des instruments qui sonnent différemment selon la météo, l'heure de la journée… Analogique. “Choisir des instruments qui ont déjà vécu, c'est comme choisir une vieille voiture, c'est opter pour une non fiabilité, pour quelque chose qui peut avoir ses caprices. On sent qu'il y a des fantômes. Et pour celui qui est à l'écoute, ils peuvent devenir de vrais partenaires.” Un album qui a privilégié les accidents, l'instinct, le laisser-aller donc.
“Let It Glow” est un disque non pas de son époque mais pour son époque. C'est Bowie, Lennon et tous ceux qu'on voudra bien retrouver. Rover n'est pas un usurpateur. Rencontre avec Rover à l'occasion de son passage à Toulouse jeudi soir.
Tu es en pleine tournée, tu arrives sur Toulouse le 18 février prochain. Dans quel état d'esprit es-tu ?
Dans une joie intense car je suis au début de la tournée. On a réalisé une dizaine de dates, on arrive sur le second souffle, celui qui fait que les choses vont de mieux en mieux. On revient de trois dates en Italie, ce qui nous a procuré une grande joie. Comme le fait de découvrir de nouvelles régions, par exemple le Sud cette fin de semaine. J'aime aller dans les régions. Étant breton, je joue énormément en Ile de France ou en Bretagne, donc quand on peut partir vers d'autres lieux, il se passe de nouvelles choses. Puis j'ai un très bon souvenir de mon précèdent passage, au connexion Live, une belle petite salle en ville. J'ai vraiment hâte de revenir à Toulouse et dans le Sud.
D'ailleurs, quel est ton rapport à la scène ?
C'est le contre poids du studio. Avec l'expérience de la dernière tournée, je me sens mieux sur scène. J'ai encaissé et découvert la scène lors de la précédente tournée, là je savoure plus particulièrement ces moments. La scène permet au disque de vivre autrement. Les gens en rentrant chez eux peuvent écouter d'une manière différente l'album . Puis la scène procure quelque chose de particulier puisqu'on joue sans filet, sans back up, avec ses erreurs, cette spontanéité qu'on a seulement sur scène. Le rapport au public est tout aussi fascinant. Je serais très malheureux si je n'avais pas le disque, la scène ou la promo, même si c'est très épuisant.
Tu parles de la promo. Est-ce un exercice dont tu apprécies la déroulement ?
C'est un problème de riche d'avoir beaucoup de promo. C'est dur de parler de son travail, de sa musique, et pourquoi on fait ça. Mais si on te pose des questions, c'est qu'on s’intéresse à ton travail. La promo est une psychanalyse à cœur ouvert. Évidemment, par moment, sentir un intérêt pour soi est gratifiant pour son ego. Je suis un artiste donc c'est gratifiant. Mais ce n'est pas un vrai problème, j’apprends énormément sur moi dans les interviews.
Le premier album a été un beau succès public et critique. Tu as fait une longue tournée de plus de 300 dates et tu as enchaîné avec l'écriture du second directement. Cela a été compliqué de retrouver l'inspiration ?
Il a été moins douloureux que je n'aurais pu le penser. Tout le monde m'avait averti que le second serait plus difficile à faire, surtout après un succès, comme tu l'as expliqué. Je me suis mis naturellement au travail après la tournée. J'avais besoin de m'isoler, de travailler à mon rythme, être tout simplement face à moi même. Je me suis aussi appliqué à faire le deuil du passé pour ne pas être dans la redite. Après le sevrage, je me suis donc remis face à moi même avec plus d'envie que je n'aurais pu l'imaginer.
Le fait d'être aussi attendu ne t'a pas paralysé au moment de l'écriture ?
C'est incroyable d'être attendu. Une chance. Si tu es honnête les gens ont un regard constructif sur ce que tu fais, même s'ils n'aiment pas. La pression est quelque chose de positif, ce qui produit donc de belles chansons que j'avais envie de vite enregistrer. C'est encore une fois un problème de riche.
Revenons à l’écriture. Comment se passe le processus créatif ?
Le processus est très intéressant. Je part d'une émotion que je mets en musique, puis le texte se pose dessus dans un lâcher prise salutaire. Puis j'affine le morceau avec le temps. Donc l'émotion puis la mélodie, c'est assez récurrent dans mon travail de création. Je trouve souvent le musique pour coller à ce sentiment car je n'ai pas de rentabilité à chercher. Dans le premier album, j'avais tendance à chercher le refrain parfait coûte que coûte. Là, je m'amusais, je me détendais, je faisais confiance à la musique avant toute chose. La page blanche est un symptôme qui se crée tout seul.
A l'écoute des chansons, aussi bien dans la voix que dans les arrangements, c'est plus épuré que lors du précèdent opus. C'était le choix de départ ?
Complètement. Je souhaitais me rapprocher le plus possible des maquettes. Se découvrir sans maquillage. Les gens sont encore plus beaux sans ornement, sans maquillage, et cela marche aussi pour les chansons. J'aime l'aspect direct que l'émotion procure même si ce n'est pas palpable sur tout : il est difficile d'aller au plus prêt du squelette d'une chanson.
Rover est un nom de scène, mais quelle différence y a t-il avec Thimothée ?
Assez peu. Mes habits de scène sont les mêmes que dans la vie courante. On consomme l'art de la même manière. Le nom de scène permet d'aller plus loin, me permet une cohérence artistique mais l'artiste n'est pas différent de l'humain. L'un n'existerait donc pas sans l'autre. En fait, Rover c'est mon habit de scène !
Je suis absolument fan de la pochette. Peux-tu me dire comment est venu l'idée ?
Cela vient d'une photo en noir et blanc que je trouve très belle et j'aime l'idée de ne pas me voir. Le visage est beau car très naïf, tout en gardant les codes rock qui me plaisaient. Je ne suis pas non plus maquillé avec un aspect brut, épuré comme mon album. J'aime que la pochette existe par elle même et donne vraiment envie de découvrir ce qu'il y a à l'intérieur. Petit à petit je me cache, je finirais en cagoule (rires).
La semaine passée, tu as sorti le clip de « Some Needs » avec Diane Kruger. Comment est né le projet et parle moi de cette rencontre.
Comme toujours chez moi je fonctionne par rencontre. Ça s'est fait par hasard. J'ai rencontré la réalisatrice du clip, réalisatrice de Sky, Fabienne Berthaud. Une vraie rencontre fascinante. Elle travaille souvent avec Diane Kruger sur ses projets. Je lui ai fait part de mon envie de faire un clip sur cette chanson. Elle a amené l'idée de Diane naturellement, et on est parti à New York tourner ça assez normalement. C'est un clip pudique et honnête et la démarche me plaît beaucoup. J'aime particulièrement ce clip pour la rencontre et pour sa construction.
Qu'est ce qu'être artiste pour toi ? C'est être avant tout honnête dans la démarche ?
C'est essentiel d'être honnête sinon on s'applique pas du tout dans ce qu'on fait. Etre artiste, c'est exprimer l’honnêteté avec une mise en scène, aller de ville en ville pour se présenter, assumer les influences, avoir une certaine responsabilité dans sa démarche. Mais surtout amener une part de soi à la lumière et donner envie aux autres de faire de la musique. Et toujours en tout l'humilité.
D'ailleurs,as tu des artistes coup de cœur actuellement ?
L'un est parti il y a plusieurs semaines, David Bowie. C'est une grande influence pour moi et il a montré avec son dernier album qu'il était toujours en quête de recherche. Je pense aussi à Julian Casablancas qui sait se mettre en danger avec son projet The Voidz mais je suis aussi excité par les productions hip hop actuelles ou encore le dernier album de Metronomy.
Le hip hop, une direction pour toi dans le futur ?
J'aimerais bien aller puiser dans le Hip Hop. Un peu comme les Black Keys l'ont fait en allant chercher un producteur de cette scène là. J'aime ce brillant mélange entre les musiques contemporaines. Je vais peut être prendre le risque sans être trop décalé. C'est loin d'être désagréable de se mettre en danger tant qu'il y a une cohérence.
Pour finir, quelle définition donnerais tu à « une bonne chanson » ?
Avant tout, pour moi, je dois être capable de l’interpréter tout les soirs sans déplaisir. Dans mon répertoire, je pense souvent à La Roche pour son émotion, son côté brut, son lyrisme et le dosage parfait entre la lueur de l'espoir et le reste. Une bonne chanson ne vieillira jamais.