"Un mensonge sur mon père "

« Difficile de dire ce qui m’effrayait le plus : le corps de mon père, qui
semblait si puissant et, par moments, si dangereux ; son humeur en dents de
scie, tantôt facétieuse, tantôt noire et terrifiante ; sa voix. Mon père
avait une voix étonnante : la plupart du temps, il se taisait ou parlait
doucement, comme s’il pensait à autre chose en même temps ; puis, tout à
coup, elle devenait dure et sombre, sans nécessairement hausser le ton, mais
toujours menaçante, toujours présage de dégâts et de terreur. La pire
inflexion, c’était celle que prenait sa voix lorsqu’il me tourmentait, qui
rongeait doucement, insidieusement, ma confiance, contestait jusqu’à mon
droit d’occuper de l’espace au sein de son monde. » Parce qu’un inconnu
croisé sur la route le questionne sur son père et qu’il répond par un
mensonge, l’écrivain-narrateur ressuscite son propre passé, son enfance
perdue et saccagée. En évoquant la violence, l’alcool et les accès de folie
destructrice de son géniteur pour qui la cruauté était une idéologie, il
raconte sa résistance acharnée au pouvoir paternel, faisant tout aussi bien
revivre la misère des petites villes minières et le désespoir des hommes que
la descente aux enfers de la drogue de la jeunesse des années 1970. «
Quarante ans après, je me souviens de tout, et je rêve les mêmes rêves. Nuit
après nuit, je peuple l’obscurité. » À l’instar de ses autres romans, John
Burnside ne cesse de s’interroger sur l’enracinement de l’individu dans son
environnement et dans son époque. Récit autobiographique, Un mensonge sur
mon père est son œuvre la plus aboutie.