Ce mardi soir, Mademoiselle K revient en concert au Bikini de Toulouse avec son album "Hungry Dirty Baby". Rencontre avec la chanteuse.
De la genèse de « Hungry Dirty Baby », une idée simple : sortir de sa zone de confort. Mademoiselle K a choisi de changer de langue, de faire appel à de nouveaux musiciens, de jouer elle-même de la basse, et de partir en tournée en format « power trio ». Après un passage en maison de disques, elle opte pour l’autoproduction et monte son propre label, Kravache. En anglais ou en français, Mademoiselle K a des sujets qui lui sont chers : le genre, l’identité, la relation avec l’autre/les autres. L’amour, la sexualité et leur lot de manques et de frustrations. Et toujours ce parfum de romantisme exacerbé, désespéré qui plane en filigrane entre ces mots crus qu'elle se plaît à balancer.
Avant son passage à Toulouse, nous avons rencontré Mademoiselle K qui nous parle de cette nouvelle aventure. De ce nouveau virage musical.
Entre la sortie de l'album puis une tournée dont un passage par Toulouse ce 24 février, comment te sens-tu ?
J'ai faim ! C'est le premier truc que j'ai !(rires) J'adore les concerts et l'excitation qui entoure une date. Je kiffe le fait qu'on ait fait une pré-tournée il y a un an avec une date au Connexion Live. Il y a eu de gros changements dans ma vie artistique, on a beaucoup travaillé pour en arriver là avec le reste de la formation. Ce qui est bien, c'est qu'on a pu habituer les gens à l'album un an avant sa sortie avec cette tournée des clubs. Les gens sont venus pour le nom, Mademoiselle K, et là, ils viennent en plus parce qu'ils ont kiffé l'album ! Le plaisir est encore plus jouissif ! Donc je suis hyper excitée !
D'ailleurs sur scène à Toulouse, on découvrira une nouvelle formation. Avec cet album, le départ de ta maison de disque et la tournée, tu es un peu repartie de zéro ?
Oui, repartir de zéro de manière indépendante, mais quant au travail, j'ai toujours eu la possibilité de faire ce que je voulais. Là, je suis obligée de tout maîtriser, de tout gérer, notamment d'autres facettes du métier…c'est plus gratifiant !
Et le choix de cette nouvelle formation a offert de nouvelles possibilités ?
Sans hésitation, je dirais qu'elle est plus brute, plus minimaliste, plus émotionnelle aussi. J'avais besoin de nouveauté. Je cherchais quelque chose de nouveau, et l'arrivée d'un nouveau batteur fut un vrai vent de fraîcheur. C'est un putain de batteur qui amène un côté rock. On part en tournée à trois, guitare-basse- batterie. Une vraie formation rock que je n'avais plus depuis mes débuts, bien avant « ça me vexe ». Tu te retrouves avec de nouvelles responsabilités, tu n'as personne pour te couvrir en cas d'erreur. C'est un exercice d'équilibriste dans le bon sens puisque je retrouve un certain plaisir. Un rock brut, être à fond, créant ainsi quelque chose d'hypersensible, je trouve. Au départ, quand on m'a proposé cette formation je n'y croyais pas trop. La pré-tournée des clubs m'a rassuré et je me suis dis que j'y arriverai. Au final, ça a influencé mes compositions. C'était important il y a un an, c'est devenu encore plus fort dans ce sens. J'ai réalisé un truc supplémentaire.
Tu avais besoin de lâcher les chevaux sur cet album, retrouver ce rock là ?
Oui, l'avantage de partir à l'étranger, c'est qu'il te faut une nouvelle carte d'identité. Tu ne peux pas te présenter seulement comme Mademoiselle K, chanteuse de rock en français. Il fallait tout reprendre. J'avais envie de chanter en anglais avec ce son là, même si je suis très attachée aux ballades, j'ai du en garder un minimum pour ne pas gâcher l'énergie rock de l'album. J'ai gardé en tête la couleur de l'album pour ne pas me perdre. Chez moi, j'écoute de la soul par exemple, et j 'ai tendance à écrire des ballades, mais je ne peux pas me cantonner à ça. La chanson la plus emblématique de cette énergie et de cet album reste "R U Swimming". Quelque chose de punk dans le refrain et des couplets sous forme de ballade. Au final, j'étais très fière du mélange des deux. C'était pas forcement super original comme pourrait l'être une autre composition, mais c'est moi! Entre deux chansons, je prend toujours celle qui me représente le plus.
Tu parles de voyages. Notamment en Angleterre. On ressent cette musique là sur certains titres, comme une influence New-yorkaise sur Someday. Tu déclines ici tes influences ?
Someday vient effectivement de New-York, enfin de mon retour… J'y ai trouvé ma basse, vintage, aussi ! C'est dingue en effet qu'un lieu influence et se ressente ainsi dans une chanson. Comme pour R U swimming, qui possède des rythmes brésiliens malgré son côté très anglosaxon. Car si elle a été réalisée à Londres, je l'ai composée à mon retour du Brésil. Je trouve super qu'on soit imprégné par un lieu.
Pour ton premier album en anglais, tu t'es entourée de Richard Woodcraft ( Radiohead, Artic Monkeys, The Last Shadows Puppets). Qu'a-t-il apporté à ta musique ?
Déjà c'est le premier réal avec qui je travaille. Je me rappelle, avant même de savoir qui il était, que j'avais été conquise par l'album de The Last Shadows Puppets. jamais Je n'aurais pu penser que j'aurais la chance de bosser avec le mec responsable de ce bijou. C'était tellement raccord avec ce que je voulais pour ma première expérience anglaise. Je voulais les même réverbes que sur l'album de The Last Shadows Puppets. Mais je ne pouvais avoir ça qu'avec un anglais. En amont, on avait déjà beaucoup travaillé le son avec le groupe, et Richard a rajouté sa patte. Ses bonus. Surtout sur la voix. Avant, je ne faisais qu'une dizaine de prises pour le chant car je m'épuisais rapidement. Là, il me faisait faire jusqu'à 40 prises. Il connait parfaitement les limites de chacun. Il est clairvoyant et fonctionne à l'instinct. Il ne va jamais douter, même si tu rates une prise. Il a un feeling de ouf, il me préparait directement les reverbes dans le casque avant que je pose ma voix. C'est comme prendre une guitare électrique avec un bon ampli : tu ne forces pas ! Il a su sublimer le truc, on était comme des fous dans une euphorie totale. On est bien descendu quand ça s'est terminé (rires).
Entre le passage en anglais, une nouvelle formation, le changement de maison de disque pour créer ton propre label, as-tu eu peur de douter ?
Tout le temps ! L'album a mis 4 ans à voir le jour. Jusqu'à il y a un an, je me demandais pourquoi je faisais ça. Je savais au fond de moi que ça fallait le faire. Mais j'étais dans une roue en français avec un public qui me suivait. Pourquoi tout perdre ? Mais le besoin de me renouveler, de retrouver une certaine fragilité des débuts, était plus fort que tout. Je savais que je ne serai jamais aussi bonne qu'en français dans l'écriture. Le propos est toujours là mais je le ferai avec moins de mots que dans ma langue maternelle. Même si, sur le long terme, mes dernières compositions sont plus lourdes en texte. Donc, oui, des doutes il y en a eu. Le plus paradoxal, je savais que mon instinct me conduisait vers ça, mais en même temps, il y avait les doutes logiques de cette aventure. On met souvent des couches sur son instinct. Et, j'adore le français, mais j'étais prête depuis un moment pour l'anglais.
L'anglais fut donc un travail de tout les instants ?
Oui, j'ai travaillé et je travaille encore mon accent. La problématique de création fut exactement la même. Ce que j'aimais le plus fut de travailler la fluidité de mon anglais oral et de mon accent. Il fallait un son propre et se démarquer tout en n'étant pas ridicule. J'ai analysé des chansons pour comprendre la richesse des accents anglais. Puis je travaille encore aujourd'hui la diction sur certains mots. Le tout est vraiment ressorti sur les derniers morceaux. Après, pour l'écriture et la composition, le processus fut le même. Tout vient du parler chez moi, il me faut un premier jet évident. Mais j'ai aimé le travail dans cette langue comme dans une autre. C'est comme demander à un bisexuel si il préfère les hommes ou les femmes (rires).
Enfin, que penses-tu de Mademoiselle K ?
Le premier mot : je suis fière. Dans le sens que c'est un travail d'être fier pour moi. Mais une fierté normale, sans se sur-estimer ni se sous-estimer. J'ai surmonté les obstacles, les doutes, mes peurs : c'est le travail de ma vie. Je suis bien dans ma tête, j'ai fait ce que j'aime ! Je suis allée jusqu'au bout ! Il faut faire ce que tu aimes, suivre son instinct sinon tu vas te détester. Ce fut un vrai combat !
Mademoiselle K en showcase Fnac
Mardi 24 février à 18h à la Fnac Toulouse Wilson et à 20h au Bikini