lundi , 7 avril 2025

Toulouse. Rachida Brakni : « Etre sincère dans sa démarche »

 

 
 
En couchant sur un premier album éponyme sa première passion, Rachida Brakni s'est mise à nu grâce notamment à la musique de Cali et aux textes d'Eric Cantona. Lors de son passage par Toulouse, la chanteuse se livre sur la genèse d'une nouvelle vie. Conversation.
 
Toulouse, Fnac Wilson, jeudi 12 avril, 16 heures : la pluie vient de cesser à Toulouse. Entre deux éclaircis, on se faufile vers Rachida Brakni. Assise, un livre entre les mains. L'actrice est souriante. Heureuse. Il faut dire qu'elle vient de signer un premier album en compagnie de Cali et de son compagnon Eric Cantona. Une oeuvre dense, intense, aux arrangements méticuleux et à la sensibilité forte. Le temps d'une écoute, on oublie son passif d'actrice. Rachida Brakni s'est mue en chanteuse. Et, son univers transpire. Conversation avec une femme heureuse de retrouver son innocence par la musique. 
 
Après un parcours dans le cinéma et le théâtre, tu passes à la chanson. Comment as-tu passé le cap ?
En fait, avant de commencer à faire du cinéma, je faisais du théâtre dans une compagnie dans laquelle je chantais. On faisait des cabarets, je faisais des opérettes. Le chant a toujours fait partie de mon environnement. Mais aussi de ma formation, puisqu'après le conservatoire, j'ai toujours chanté. J'ai surtout arrêté au moment où j'ai entamé une carrière au cinéma : on fait un film puis un autre. On suit le cours de sa vie…
 
Un manque aussi ?
Et ça me manquait ! J 'ai toujours eu envie de me lancer dans l'aventure. Sauf, qu'on ne le décide pas sur un claquement de doigts. Il faut trouver l'opportunité. Et les opportunités sont les personnes avec qui on se trouve en phase pour pouvoir mener à terme un tel projet. Parce que des gens talentueux, il y en a plein ; des gens qui ne cherchent pas à calquer leur univers sur le votre, c'est rare. 
 
Ce fut le cas avec Cali qui compose pour l'album. On ne reconnaît pas son univers. Il a créé le tien ?
C'est pour ça qu'il me fallait des gens autour. Moi, je ne suis pas musicienne, je m'exprime avec mes mots et ma sensibilité. Cali est quelqu'un d'exceptionnel et de rare. Lorsqu'on a décidé de bosser ensemble , il m' a répété : « je te propose des choses, et si ça te plais pas, dis le moi ! » Du coup, j'ai aimé sa démarche. Il s'est mis à mon service. C'est hyper rare de tomber sur quelqu'un qui a du talent et travaille pour toi. Ma plus grande fierté, c'est quand on me dit « putain, les musiques sont de Cali ? »  Ils sont tous étonnés, et ça me plait. 
 
Un peu comme lorsqu'on évoque les textes d'Eric Cantona ?
Pour Eric, c'est différent. Les gens savent que c'est un artiste, un peu barré, et qu'il est là où on ne l'attend pas. Pourquoi pas finalement ! Cali a des chansons qui font partie de notre histoire, donc c'est  hyper identifiable normalement. 
 
Dans d'autres interview, tu expliques que le véritable déclic vient d'Eric. Est-ce le cas ?
Oui..En fait, comme Eric savait que je chantais, il m'a encouragé. Il m'a demandé les différents thèmes que je voulais aborder. Je lui racontais des histoires. Il s'est mis à écrire. Quand il m'a proposé les premiers textes, je sentais la musicalité de la langue. C'est hyper important pour moi les mots. Une chanson comme « Souffre de vie » ou « 1001 nuits », les mots qu 'il va y inventer, moi ça parle à mon bide. Musicalement, c'était super intéressant. J'étais super contente d'avoir une première étape, les textes. Et puis, Cali pour la musique. J'étais sauvée.
 
A t'entendre, on sent que c'est avant tout une aventure familiale.
Oui, on l'a fait de manière familiale. En plus, Cali m'a présenté une équipe de musiciens avec qui je pouvais accrocher.  Il faut prendre le temps de se rencontrer, de se connaître. Il me fallait une famille autour de moi, une sorte de cocon. Il n'y a que le temps pour tisser des liens. Se sentir bien. En plus, depuis le début, je souhaitais réaliser ce projet pour faire des concerts. Je ne conçois pas ce milieu comme un chanteur et des accompagnants. Pour moi, sur scène, il y a un groupe.
 
D'ailleurs, la scène. Pour la première fois, tu te mets en danger ? Ou plutôt, il y a une façon de se mettre à nu ?
Je ne suis pas d'accord pour le côté danger. Par contre, tu as raison avec la musique, on n'est pas derrière un personnage, c'est vous. Pour la première fois de ma vie, je montre ce que je suis vraiment. Après, sur le danger, je ne sens pas plus de danger au théâtre ou en musique, et inversement. Ce qui a de génial là, c'est que les mecs sont présents avec moi. Il y a un fil tendu entre nous et s'il y a une « merde », c'est rattrapable. Il y a ce truc aussi, dont je suis cliente : en concert, plein de gens sont surpris par le côté super rock. A des passages, je m'efface pour mieux donner le change aux autres membres. Et, ils me proposent quelque chose. J'aime bien le côté changeant des concerts. 
 
C'était un besoin d'avoir ce côté énergique sur scène ?
Ouais ! C'est une catharsis la scène. Un concert, j'y vais pour être traversée par des émotions. J'aspire plus à ça que rien faire sur scène. 
 
Quelles sont tes références ? Tu parles souvent de Bashung…
C'est un dieu. En ce moment, j'écoute Daniel Darc.  Je le croise souvent, et j'ai fait ses premières parties. Il est adorable, humain et tellement timide. Un mec entier. Comme Christophe ou Cali. Ils n'ont rien à voir les uns avec les autres, mais ils sont sincères dans leur démarche. Je suis aussi sincère dans ma démarche . Et puis, pour moi, la langue est hyper importante : comment les mots claquent. Par exemple, Bashung fut une référence pour moi sur l'album. Aux mecs avec qui je bossais, je leur disais que je ne savais pas faire, mais que je voulais un album où on puisse ne se focaliser que sur les textes si on ne voulait plus de la musique. Et si on n'a pas envie d'être sur les textes, je voulais que ce soit un voyage musical. Je voulais vraiment les deux.
 
Parmi les textes, il y a surtout des histoires. Beaucoup d'histoires pour mieux parler de soi ?
Oui, c'est une autre façon de parler de moi. C'est soit des histoires de copines où j'interagis à l'intérieur de ça puisque j'y prend position. Ou juste une interprétation d'une idée. Juliette Gréco disait qu'une chanson est une pièce de théâtre de 3 minutes. Je trouve la définition parfaite pour moi, dans ce que je voulais faire au plus profond.
 
Vous êtes une des seules à avoir abordé la violence dans le couple sur « Je suis amoureuse »…
Vous avez raison. C'est marrant parce que personne ne comprend que cette femme était battue. J'avais envie d'aborder cette thématique. J'aime pas les trucs tout fait, ni la bien-pensance. De quel droit moi, je dois juger une femme qui se fait tabasser en se défendant par l'amour qu'elle a pour son mec. Elle l'a dans la peau, c'est ce qui la maintient. Qui on est pour juger ? Comme pour les crimes passionnels, ça me parle car ça pourrait arriver. Tout arrive par amour. Du coup, j'avais envie de parler d'un sujet important sans rentrer dans la bien-pensance. 
 
Plus techniquement, dans la première chanson, comme un peu plus loin dans l'album, il y a un phrasé musical à la limite du parlé. D'où vient cette notion ?
Cette chanson, Cali m'a proposé une version chantée un peu après guerre. Un truc un peu à la Piaf. Je trouvais pas ça moderne. Et puis, en studio, les musiciens sont partis dans un truc un peu tribal. Ça me plaisait ce qui se passait. Je me suis approchée du micro, et c'est sorti comme ça! Je ne pouvais pas la chanter autrement. Je me laisse traverser par la musique. 
 
Quelle est la suite de l'aventure de Rachida Brakni ?
Un album a une durée de vie d'un an et demi. On construit une histoire dont j'ai envie d'aller au bout. Voilà pourquoi, je fais des showcases ou des premières parties. En fait, on a deux versions : une acoustique, et une électrique. La suite est en train de s'écrire. J'espère qu'il y aura plein de dates. Dont Toulouse, on espère. Petit à petit, les choses se mettent en place.

Pour finir, et à te regarder, on dirait une débutante qui commence une nouvelle vie.
C'est exactement ça ! Je me tape le job de bout en bout. Je savais que ce ne serait pas facile. Quand on est actrice, même si on a eu des critiques dithyrambiques, on entend dire : « Encore une actrice qui chante ». La scène, c'est là où je pourrais convaincre le public. L'avantage des premières parties, c'est qu'ils ne viennent pas pour toi. Il faut aller les chercher du regard. J'aime bien ça ! Je redécouvre le plaisir de la musique, de débuter une nouvelle vie et d'être avec des copains. Comme si j'étais dans une cour de récré.

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