Membre du trio de tango électro Gotan Project, Eduardo Makaroff nous parle de son futur passage par le Weekend des Curiosités, sur le nouvel album du groupe et sur le tango et encore le tango : interview d'un activiste du tango.
Les inventeurs du tango électro seront de passage par Toulouse à l'occasion du Weekend des Curiosités. Et rien qu'à cette idée, l'excitation monte. En une décennie, la musique de Gotan Project transporte l'auditeur sur une autre planète. Vers une autre culture. Ils sont suisses, français ou argentins. Un melting pot délicieux. A quelques semaines de leur futur prestation sur la scène du Port de Ramonville, Eduardo Makaroff nous en dit plus sur le tango cette musique culturelle argentine. Timide, avec un léger accent, la passion au bord des lèvres, le guitariste du groupe nous transporte dans sa passion. Interview chaleureuse d'un militant du tango.
Pour ceux qui ne connaisse pas encore Gotan Project. Qu'est ce que c'est ?
C'est un trio de musique, comme le nom l'indique, qui travaille sur le Tango. Et, sur la musique argentine en général, celle du 20ème siècle en particulier. On s'est mis à travailler pour amener le tango vers des horizons nouveaux. Essayer de faire rentrer le tango dans la modernité. L'électro. On a beaucoup d'autres influences pour nous permettre de travailler de façon moderne aussi.
Alors il y a Philippe, Christophe et toi Eduardo. Tu peux nous les présenter ?
Oui, avec grand plaisir. Christophe est d'origine suisse et est né à la musique avec la techno avec comme instrument un ordinateur. Il est aussi compositeur, musicien et réalisateur comme nous trois. Après, il y a Philippe. Il vient aussi d'un univers assez moderne, DJ, new vibes… il est producteur dans une maison de disques. Et, c'est sur son label qu'on sort nos albums…
Et, dans tous ça, il y a toi originaire d'Argentine…
Moi, j'ai commencé assez jeune comme pro. J'ai commencé par la guitare en Argentine. Puis, cela fait plusieurs décennies que je suis en France. On va dire que j'ai une carrière longue et éclectique. Rock argentin, télévision, radio, producteur de musique…C'est très divers, pas seulement que le Tango. J'ai émigré de l'Argentine vers la France pour développer le Tango qui est lui même le sens de ma vie. Je suis un activiste du Tango.
Comment a débuté Gotan Project ?
Philippe essayait de voir si on pouvait faire quelque chose autour de la musique Tango et sur les influences de la musique argentine. Le tout en travaillant l'esthétique de façon moderne. On a seulement sorti deux morceaux en vinyle de façon très très limité. Cela a plu. On nous a encouragé pour d'autres morceaux. On en a distillé un peu plus. On a continué à en fournir régulièrement. Et puis en 2001, à la sortie du premier album, on était déjà très attendu. Beaucoup de succès qui nous a amené à en faire un autre, des tournées et maintenant en 2010 avec Tango 3.0.
Plus qu'une source d'inspiration cette musique est ta vie. Que représente-t-elle pour toi ?
Je suis un militant. Le Tango à mon avis est d'actualité. C'est une grande musique du XXème siècle. C'est une expression culturelle forte pas seulement la musique ou la danse. Il y a une expression du peuple Rio del Plata qui a fait le tour du monde pendant la première moitié du 20ème siècle. Aussi bien en peinture qu'en littérature. Ça a évolué. Je compare la musique Tango avec le jazz, une invitation à connaître l'immigration. Le tango a lui aussi une origine africaine. Comme le rock actuel, il a envahit la musique. C'est une musique importante, riche et qui a imprégnée la culture dans le monde entier. Il y a un tango à la française, allemand, turc, israélien…Un peu partout. Cela redevient aussi à la mode. Il y a des bals de tango partout sur la planète. C'est pour ça qu'il est si actuelle : il a un langage musical très attirant, qui arrive au cœur.
Quels sont les références actuelles ou même passées du groupe ?
On est tous les trois assez ouvert quand il s'agit de musique. Cela va de la musique classique au jazz en passant par la pop. Moi, j'adhère à la musique brésilienne. Je suis le seul fanatique de tango traditionnel. On est tous les trois liés à des activités autour de la musique. Il nous arrive même de faire de la musique pour un film. Philippe a travaillé pour de la country. Le tout, toutes nos influences, nos travaux, cela nous nourrit bien.
Au fil des albums, c'est toujours le même fil conducteur au cœur des albums de Gotan Project?
Le fil conducteur va de paire avec l'évolution. C'est de la recherche, de l'expérimentation, de l'envie… écouter quelque chose qui n'existait pas auparavant. C'était plutôt une évidence, faire un tango électronique qui n'avait jamais été fait avant. C'est le fil conducteur de Gotan Project. Chercher, et trouver sans se répéter. On pense qu'on a ainsi trouvé un son qui est celui de Gotan Project. On s'est mis à la recherche d'autres sons aussi. Riff tango, souvent blues, cuivre aussi comme sur Tango Square (NDRL : chanson d'ouverture de Tango 3.0). On utilise cela assez souvent. Chaque morceau est le résultat d'une recherche créative autour du tango qui nous amène à travailler vers d'autres choses. D'autres sonorités.
Le pont avec le jazz est évident notamment dans la chanson que tu cites avant : Tango Square.
Tu sais, on travaille avec des musiciens super qui sont liés au jazz et au classique. Il y a donc de la place pour l'impro. Pour la liaison, le son du cuivre ramène au jazz. Pour le Tango, le bandonéon c'est le cuivre du jazz. Il y a donc un pont assez large et évident. Ça s'entend très bien.
On a parlé de la chanson d'ouverture du nouvel album, Tango 3.0. Peux tu me parler de ce nouvel opus et de ce qui change ?
C'est très difficile car on est toujours en quête d'autres choses sur chaque album. Ce troisième album est un clin d'oeil aussi à ce que serait l'avenir du web, cette interactivité. Une spéculation sur ce que serait l'évolution de cette nouveauté qui a changé l'humanité. Troisième album, web 3.0 : c'était évident. Ainsi c'est un nouveau pas en avant de Gotan Project, de l'objet musical créé autour de la musique tango pour l'amener vers une musicalité autre, vers la rencontre d'autres genres.
Comme toujours à l'écoute de l'album, il y a un univers très visuel qui ressort. C'est une évidence ?
Merci, et oui. On est tous les trois très influencés par la musique de film. C'est vrai qu'il y a un côté visuel. En concert, on travail avec une vidéo artistique. Pas forcément un clip. Mais plus quelque chose de visuel… Un concert devient alors un show visuel et musical.
D'ailleurs, la scène. Peux-tu m'en dire un peu plus car on a hâte de vous découvrir sur la scène du Port au Weekend des Curiosités.
Nous aussi. Il y a sept musiciens sur scène avec Philippe et Christophe aux commandes. Mais, ils jouent d'autres instruments. Puis parmi ça, 4 musiciens de Tango avec des instruments acoustiques avec violoniste, piano et moi même à la guitare. Et puis, une chanteuse.
En parlant de chant, vous chantez toujours en espagnol. Il n'y a jamais l'idée d'écrire en anglais pour toucher encore un plus large public ?
On ne va pas te dire qu'on n'a pas pensé à ça. Pourquoi pas un jour. Pour l'instant, c'est le tango argentin au centre de notre travail. Ce n'est pas qu'une danse, c'est aussi une culture. Il y a de très grand parolier de musique tango. On aurait du mal à faire chanter dans une autre langue que l'espagnol d'argentine. On est ouvert et pas fermé. Si on est intéressé par autre chose pourquoi pas travailler avec des américains. On peut trouver des artistes très créatifs. On est ouvert à tout. Tu sais, quand on fait notre musique ce n'est pas comme une interview. On est plus intuitif, on travaille à l'instinct. En interview, on doit penser à ce qu'on dit. Quand on compose, c'est sans écrire et sans même penser. C'est assez abstrait. On fait un art qui est le Tango au final.
Fin mai, vous vous produisez à Toulouse. Une ville que tu connais ?
Oui, je connaissais cette ville. Ce n'est pas la première fois que nous nous y produisons. On a fait Rio Loco il y a quelques années. Cette fois là, Rio Loco était consacré à Buenos Aires. C'était dans nos premiers concerts. Un bon souvenir je crois bien.
Dernière question :qu'est ce que pour toi une bonne chanson ?
Je vais adhérer à la phrase de John Lennon. "Je dis ce que j'ai à dire dans ma musique". En gros. Il n'y a pas de formule pour une bonne chanson. Il ne faut pas se prendre la tête, pas faire quelque chose de commercial ni à la mode. Il faut laisser passer l'inspiration.
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